" Aujourd'hui vivants, demain morts, que nous importe d'amasser ou de ménager,
nous ne comptons que sur le jour que nous vivons et jamais sur celui que nous avons à vivre. "

Oexmelin

Le péril de la mer

Les océans sont matières à beaucoup de légendes. Le pirate s'inscrit dans la longue liste des périls maritimes et s'entoure d'une aura mythologique. Habiles navigateurs, flibustiers et forbans étaient cependant dépourvus de moyens et d'artillerie. La témérité, la ruse et l'entretien de terribles légendes s'avéraient indispensables. Une tactique consistait à arborer un pavillon ami, une autre à revêtir l'uniforme de la marine espagnole… En réalité, les flibustiers avaient tout intérêt à éviter la confrontation violente. Si elle avait lieu malgré tout, ils n'hésitaient pas à massacrer. L'écho de leurs cruautés ne pouvait que leur servir.

Jean Nau, dit l'Olonnois (1630-1669) : il est dit que les flibustiers qui lui succédèrent eurent la tâche facile tant il associa d'horreur à ce titre. Originaire des Sables d'Olonne, il entra dans la flibuste vers 1650 et fut presque immédiatement élu capitaine. Un jour qu'il allait en canot avec son équipage, il attaque un navire que le gouverneur de La Havane avait envoyé après lui. Il s'empare du navire et apprend qu'un bourreau se trouve à bord, embarqué dans le but d'exécuter sur-le-champ l'équipage du flibustier. Furieux, l'Olonnois tranchera la tête de tous ses prisonniers. La légende veut qu'à chaque tête coupée, il passât sa langue sur son sabre, épiloguant sur le goût du sang de ses victimes. Il n'en sauva qu'un seul et le renvoya auprès du Gouverneur, avec l'avertissement qu'il réserverait le même sort à tous les Espagnols.

Le mauvais temps servait d'allié aux pirates en dispersant les convois. Ils poursuivaient parfois les traînards des jours durant, braillant et brandissant des armes. Terrorisé, l'équipage adverse se rendait généralement sans peine. Parmi les capitaines les plus redoutés figurent l'Olonnois, Morgan, Barbe Noire et le bien nommé Monbars l'Exterminateur. Originaire du Languedoc, Monbars dévorait depuis son enfance les livres d'un père jésuite, défenseur des Indiens d'Amérique. À chaque page, il se serait écrié " Maudits Espagnols ! ". Dès son premier engagement sur un navire corsaire, il tue tant d'ennemis qu'un matelot s'exclame " c'est l'ange exterminateur ! ". Au cours de ses péripéties, il délivrera des esclaves indiens. Il deviendra ainsi capitaine d'un navire d'esclaves libérés, dévoués jusqu'à la mort. Dans tous ses combats, il ne laissera aucun survivant. Beaucoup d'encre coulera à son propos. Il se peut que certaines cruautés n'aient été qu'affabulations de la part des écrivains, désireux de faire trembler les lecteurs européens. D'après certains spécialistes, Monbars n'aurait peut-être même jamais existé…

Edward Teach, dit Barbe Noire : ce corsaire originaire de Bristol passa pirate en 1716. À l'abordage, il surgissait dans un nuage de fumée, armé jusqu'aux dents, sa longue barbe tressée de rubans. Il obtenait son célèbre effet fumigène en insérant de longues allumettes de soufre sous sa coiffe. Le subterfuge fonctionnait tant et si bien que la plupart de ses prises se rendaient sans résistance ! Avec son navire " la Revanche de la Reine Anne ", il terrorisa les Caraïbes de 1715 à 1718, massacrant et pillant, allant jusqu'à tuer ses propres hommes pour rester maître à bord. Le géant trouva la mort en 1718, au bout d'une vingtaine de coups de sabre et cinq de pistolet. Sa dépouille fut ramenée en Virginie, sa tête pendouillant au beaupré du navire vainqueur.

La chasse au trésor

Boucaniers : les boucaniers apparaissent à Saint-Domingue fin XVIe. Déserteurs et aventuriers, ils s'organisent en petites bandes et vivent de la chasse et du maraudage. Leur nom tient ses origines de " boucan ", structure constituée de branches liées entre elles et sur laquelle ils accrochaient la viande pour la fumer. Cette technique permettait de conserver la viande, en vue de la troquer contre des armes, de la poudre et du rhum. Robustes, ils étaient de formidables combattants lorsqu'ils s'embarquaient occasionnellement dans la flibuste.

Mais quelle peut être cette fièvre qui donne le courage de braver les terribles navires de l'Armada espagnole ? Sans doute aucune autre que la fièvre de l'or. Les forbans se précipitent dans les Antilles lorsque l'écho se fait des trésors aztèques de Moctezuma, l'empereur du Mexique et de l'Inca Atahualpa du Pérou. Les îles du Venezuela regorgeaient de perles précieuses et les Antilles de mines d'or et d'argent. À cela, s'ajoutent le fructueux trafic d'esclaves indiens et africains, le commerce du cuir de Guyane et le tabac de l'île de la Tortue. Un alléchant butin pour tout homme en quête d'une vie meilleure…

Dans les années 1650-1660, la France et l'Angleterre s'intéressent aux Antilles pour y encourager le piratage des intérêts espagnols, mais aussi dans le but d'y établir des colonies. Ils envoient des " engagés " peupler les îles. Tous plus ou moins contraints par la misère, ces pauvres hères signent un contrat pour trois ans, mais désertent souvent pour grossir les rangs de la flibuste. Entre les guerres, les marins désœuvrés finissent eux aussi par s'embarquer à bord des navires pirates. Il faut dire que la vie du matelot était soumise au pouvoir absolu des capitaines, qui faisaient subir humiliations et mauvais traitements. En comparaison, la flibuste paraissait une promesse de liberté et un bon moyen de s'élever dans la hiérarchie sociale. Ce rêve, les forbans s'y accrochent plus qu'à leur propre vie. Certains thésaurisent et enterrent leurs trésors, en vue de le récupérer après d'autres prises. Mais l'espérance de vie est courte pour le forban, et il sait qu'il ne vivra pas assez longtemps pour récolter le fruit de ses aventures. Aussi, la plupart dépensent-ils tous leurs gains en peu de temps sur l'île de la Tortue. Sous le soleil des Caraïbes, le rhum, les femmes et le jeu font partie de leurs divertissements favoris. Drôle de fièvre de l'or que celle qui n'aboutit à rien. À croire que ce n'est pas l'or que le pirate recherche, mais bien la fièvre elle-même : l'aventure et la liberté.

Ni Dieu, ni maître

À partir du XVIe siècle, voiliers et marines de guerre se multiplient. L'histoire ne retiendra que les hauts faits de quelques capitaines, mais la réalité du quotidien des marins se compose d'une implacable discipline et de violences inimaginables. L'existence des matelots n'a rien d'enviable. Souvent engagés de force, ils sont traités comme des esclaves et soumis à la tyrannie du capitaine. Face au mépris total dans lequel les officiers tiennent leurs équipages, les marins découvrent la solidarité de leurs compagnons d'infortune. Ils réagissent en fomentant des mutineries et désertent pour rejoindre les pirates - car " mieux vaut être pendu que de vivre ainsi ".

Libertalia : le pirate français Misson s'arrête au XVIIIe siècle dans la magnifique baie de Diégo-Suarez, à l'extrême nord-est de Madagascar. Inspiré par le dominicain Caraccioli, il installe une communauté utopiste et libertaire, censée offrir refuge à tous les persécutés : Libertalia. Les membres de la communauté auraient été massacrés par les indigènes au bout de quelques mois. Il ne reste toutefois aucune trace pour attester de la réalité de cette entreprise. Encore un rêve d'écrivain ?

La société pirate des Caraïbes se constitue en réaction à la société maritime strictement hiérarchisée des XVIIe et XVIIIe siècles. Avec les boucaniers de Saint-Domingue et les coupeurs de bois du Honduras, ils forment une communauté d'esprit : les Frères de la Côte. Les forbans français et anglais arborent généralement un pavillon vert, couleur qui au XVIIe siècle symbolise la rébellion (le fameux pavillon noir à tête de mort apparaît au XVIIIe siècle et sera la marque des pirates anglais). Dans leur lutte, les gens de mer se portent vers une conception dont les valeurs - collectivisme, égalitarisme et fraternité - nient le système oppressif de la marine nationale. Les pirates choisissent eux-mêmes leur capitaine, et celui-ci ne saurait rien entreprendre sans l'aval de son équipage. L'accès à l'autorité et à un revenu supérieur est fondé sur le talent et le mérite. La fraternité pirate dépasse ainsi les carcans sociaux de l'époque, allant jusqu'à renier les clivages nationaux. Des îles paradisiaques antillaises à celles de la côte Malabar, le pirate bascule entre révolte nihiliste et idéalisme. Somme toute, ces terribles brigands des mers étaient de grands utopistes.

Illustrations :
Jean Nau dit l'Olonnois, © Musée national de la Marine / P. Dantec;
"Un boucan", Jules Trousset, © Musée national de la Marine / P. Dantec ;
Dessin de George Roux pour l'Ile au trésor,© Photothèque Hachette.

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