Jamaïque, au pays de Bob Marley
Trench Town, le quartier de Bob Marley
Creuset de la Jamaïque moderne, Kingston n’est pas une belle ville. Pire, elle est immensément laide, étendue sur des kilomètres, entre un front de mer pathétique et le cordon sanitaire sublime des Montagnes Bleues. Si le plan est tiré au cordeau, les rues sont sales et les barbelés s’entrelacent sur des murs hostiles. « Concrete jungle » chantait Bob Marley pour parler de cette fourmilière et du quartier pauvre où il grandit – Trench Town.
C’est sur ces terres, abandonnées à la fin du 19e s par un planteur irlandais, que commence l’itinéraire, dans l’ombre de ces exilés ruraux venus chercher un peu d’espoir en ville. Bidonville, Trench Town devint complexe de logements sociaux à 12 shillings le mois, avant de virer ghetto pur et dur lors des combats de rue opposant PNP (People’s National Party) et JLP (Jamaica Labour Party) au lendemain de l’indépendance…
« Can anything good come out of Trenchtown ? » dit la chanson. Dans les sixties, ska, rocksteady puis reggae s’emparent du quartier, produisent des musiciens à la pelle qui, tous, tirent le diable par la queue. Quelques-uns en sortiront, tardivement. Un demi-siècle plus tard, persiennes fatiguées sur murs décrépis, cadavres de bagnoles, fumeurs de pipe hagards et shoot-outs (fusillades) entre gangs peignent un triste portrait.
Et, autour du Culture Yard, – la maison où Bob Marley habita avec sa mère en débarquant du nord de l’île –, la force de l’entraide se mêle à la résignation. On y voit l’épave du combi des premières tournées. Un lit. Une cuisine de fortune. Et, dans une vitrine, la guitare du Trench Town Rock.
Préparez votre voyage avec nos partenairesTexte : Claude Hervé-Bazin
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