Le nouveau visage de Guayaquil
Le Cerro Santa Ana, un Montmartre polychrome
À l’extrémité nord du Malecón, la butte aux mille couleurs du Cerro Santa Ana
attire irrésistiblement le chaland. Jusqu’à il y a peu, l’endroit était vivement
déconseillé au touriste, proie facile des miséreux qui vivotaient dans ce quartier
délabré. Aujourd’hui, grâce à un énergique programme de réhabilitation encore
en cours, la transformation est radicale. Les bicoques en ruine ont été restaurées
et repeintes de couleurs gaies : rose, jaune, bleu, vert. Pour mieux rappeler
au visiteur l’exploit accompli, chacune des façades rénovées arbore une photo-souvenir
de son allure avant le lifting. Retombée positive sur laquelle il faut insister,
les familles qui vivaient ici sont restées. Elles ont su tirer parti de la nouvelle
attractivité du quartier en aménageant leur maison en boutique de souvenirs,
en galerie d’art, en bar ou en resto. La sécurité est revenue, même si elle
n’est pas étrangère au troupeau de policiers qui quadrillent la montée, et qui
vous suivent discrètement s’il vous prend l’envie de quitter la montée principale
pour redescendre vers Las Peñas, le quartier le plus ancien de Guayaquil. C’est
que Las Peñas est en cours de rénovation : on s’y promène, en compagnie
d’un de ces discrets gardes du corps (amusant !), au milieu d’ouvriers
affairés à consolider des façades dont on devine l’antique beauté, ou à pelleter
la terre de ruelles poussiéreuses.
C’est ici, sur le Cerro Santa Ana, que l’on prend le mieux la mesure de l’enjeu
de la réhabilitation de Guayaquil. Si l’on s’éloigne un peu à l’ouest de la
montée principale rythmée de 444 marches numérotées, on tombe sur le flanc
de la butte qui ne bénéficie pas encore du programme de réhabilitation. Là,
la misère saute aux yeux : bicoques délabrées aux couleurs défraîchies
et chemins de terre contrastent avec l’aspect rutilant de la zone rénovée, et
témoignent à quel point la transformation de celle-ci est réussie. Bien sûr,
il y a quelques artifices. Arrivé en haut du cerro, d’où l’on a une vue
panoramique sur Guayaquil et la rive gauche du Guayas, on constate avec amusement
que la jolie toiture en tuile des maisons rénovées n’est en fait qu’un auvent
qui cache de la tôle ondulée. Mais à terme, c’est toute la butte qui sera remise
en valeur ainsi que, si les finances le permettent, sa voisine du Cerro del
Carmen, qui abrite l’étonnant cimetière immaculé de la ville.
Texte : Clémentine Bougrat
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