Les étranges coutumes de Santiago Atitlán
L’habit fait le Tzutuhil
La première grande spécialité du village, c’est le tissage. Amateurs de vêtements
ethniques, bienvenue ! Car ici, les gens continuent de confectionner et
de porter au quotidien leurs habits traditionnels (et pas seulement pour faire
plaisir aux touristes et soutirer quelques pièces aux amigos de passage).
Du côté de ces messieurs, un long bermuda blanc à rayures violettes, brodé en
son bas d’une frise multicolore de fleurs et d’oiseaux. Pour compléter la tenue,
une chemise, généralement rouge ou blanche (même si certains osent désormais
les carreaux ou les motifs... sans se soucier de savoir si c’est assorti à leur
petit pantalon), une grosse ceinture tissée dont les extrémités pendouillent
entre les jambes (signe de virilité ?) et un grand chapeau de cow-boy.
Au rayon dames, c’est pas mal non plus. En bas, le corte : un grand morceau
de tissu aux lignes géométriques enroulé autour de la taille (sorte de paréo
maya, quoi). En haut, le huipil : un corsage taillé dans un carré,
à l’encolure entièrement brodée à la main. Cerise sur le gâteau : le curieux
couvre-chef qu’arborent parfois certaines villageoises, sorte de large couronne
en tissu rouge vissée autour de leur tête. « Le chapeau le plus trou »,
comme dirait l’autre...
Dans la tradition maya, le tissage a toujours tenu une place importante. Pour
leurs descendants, le vêtement traduit l’identité de celui ou celle qui le tisse :
le lieu d’où il vient, la famille dont il est issu... voire la place qu’il tient
dans l’univers. Il n’y a pas si longtemps, les femmes guatémaltèques priaient
avant de débuter la confection d’un vêtement et certaines se faisaient enterrer
avec leurs outils de tissage ! À Santiago, il suffit de sillonner les rues
pour voir les tisserandes travailler et réaliser de grandes pièces de tissu
aux couleurs vives. Autrefois, bien sûr, ces couleurs étaient obtenues à partir
de pigments naturels d’origine minérale, végétale (feuilles, écorces), voire
animale (mollusques)... Mais aujourd’hui, halte là ! pourquoi passer de
longues soirées à ourdir et à teindre des fils, alors qu’il existe dans le commerce
des bobines toutes prêtes ? Autre signe des temps : les métiers à
bras traditionnels, à sangle dorsale, sont peu à peu remplacés par des métiers
à pédales, toujours artisanaux, mais bien plus rapides. Du coup, le style a
évolué, les motifs sont plus grands, plus sophistiqués... et les huipiles
classiques aux coupes droites (donnant aux donzelles un air massif, signe paraît-il
de prospérité) cèdent la place à des modèles plus « tendance », cintrés
et ajustables à la taille. Comme quoi, la tradition n’exclut pas l’élégance
et l’inventivité !
S’il est donc impossible à Santiago Atitlán de louper le défilé, il est en revanche « plus coton »
de détecter l’autre singularité du village. Pour la débusquer, il faut avoir
de la chance... ou être bien renseigné. Nous, c’est un drôle de petit bonhomme
au regard louche et au verbe approximatif qui nous a permis d’y assister. « ¿ Quieren
venir conmigo a la casa de Maximón ? » Et dire que l’on a failli
refuser...
Texte : Réjane Ereau
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