Alexandrie, Le Caire-sur-Mer
Bibliothèque pharaonique et musée des merveilles
Le bord de la mer est une escale toujours vivifiante dans un pays de désert !
Et puis, s’il fallait un prétexte d’allure noble pour s’y déplacer, la nouvelle
très grande bibliothèque qui se veut rien de moins que la nouvelle résurrection
de l’antique, ainsi que musée gréco-romain (Mathaf el Yunani el Romani)
suffiraient à justifier cette halte.
La Bibliotheca Alexandrina a la forme d’un disque solaire incliné, atterri
comme un ovni architectural d’origine norvégienne sur la Corniche vers Fhatby.
Il est prévu d’y placer des millions de volumes, car en Égypte, il convient
que tout soit pharaonique... Mais un esprit inclinant à la controverse peut
trouver à redire à cette réalisation. Car, de même qu’un port suppose un arrière-pays
industriel pour exister, c’est un peu en vain que l’on chercherait un arrière-pays
intellectuel justifiant l’existence d’une des plus grosses bibliothèques du
monde.
Quant au musée gréco-romain, c’est, malgré sa taille assez modeste, un des plus
beaux musées d’Égypte, où ne sont exposées que des merveilles rares : des
momies princières ou animales (un très beau crocodile Sobek notamment), de sensuels
groupes d’éphèbes marmoréens, des vases, des verreries et des bijoux ;
toute la fine fleur de l’art hellénistique et le plus vaste ensemble de tanagras
et un cabinet des médailles quasiment infini... Les collections sont réparties
en de vastes salles et des vitrines vieillottes qui rappellent les albums de
Tintin. Cet agencement a la vertu essentielle de relever d’un parti pris
de clarté, qui rejoint celui de notre époque. Toutes les flâneries dans le temps
sont possibles ; les visiteurs que désarçonne la violence de la beauté,
et qui désirent faire une pause dans la visite des collections peuvent quitter
l’atmosphère quasi-religieuse des halls d’exposition, pour se reposer dans le
grand patio autour duquel ces collections se développent. On peut y boire un
café, fumer quelques cigarettes, caresser le chat au soleil et faire la synthèse
de ce que l’on a vu, au besoin en feuilletant le guide pour ce qui relève des
précisions savantes. Ainsi, non seulement on ne perd rien de ces trésors entrevus
lorsque l’on déambule, mais on aura appris en buvant le café turc un peu des
savoirs du chat philosophique qui vit là, parmi les lauriers-roses, des fragments
colossaux de deuxième ordre - un peuple de têtes érodées sous la mer Méditerranée,
dont les pieds de titans chaussent du cent quatre-vingt-quinze, et qui, désormais,
habitent ce jardin.
Texte : Éric Lang
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