Espagne : les plus belles villes de Castille
Almagro, sur la frontière
Une grosse bourgade de la Mancha illustre bien la glorieuse période marquée par la Reconquête et le Siècle d’or : Almagro. Au XIIIe siècle, la cité devint le siège de l’ordre militaire et religieux de Calatrava, le premier d’Espagne, né dans le sillage de la reconquête de la Castille. Il fallait alors fixer la frontière, protéger les postes avancés.
Bientôt, 20 000 moines-soldats formèrent une armée si nombreuse que les Maures se retirèrent. Chaque combattant s’astreignait à une vie dictée par la règle cistercienne : faisant vœu d’obéissance, de chasteté, de pauvreté, ils se devaient de garder le silence la plupart du temps, de jeûner quatre jours par semaine, de porter la robe blanche ornée de la croix grecque fleurdelisée, emblème de l’ordre, et… de dormir avec leurs armes !
Le visage actuel d’Almagro doit plus au Siècle d’or et à la figure emblématique de Charles Quint. Le monarque flamand dépêcha dans cette Espagne qui lui tombait entre les mains tout ce que l’Allemagne comptait d’administrateurs, de financiers et de banquiers. C’est ainsi qu’arrivèrent les Függer, si riches que l’empereur se trouva contraint de leur céder les droits d’exploitation des possessions de l’ordre de Calatrava — mine de mercure d’Almadén en premier lieu… Leur palais de briques, mi-mudéjar mi-Renaissance, et ceux de leurs affidés, témoignent d’une puissance hors du commun.
Voulue par les Függer, la plaza Mayor (photo), l’une des rares d’Espagne à avoir conservé ses galeries en bois appuyées sur une horde de 80 colonnes, forme un vrai décor de théâtre. Une évidence pour cette ville qui conserve aussi le dernier théâtre en plein air de l’époque (Corral de las Comedias), fermé en 1745 pour « raisons sanitaires » — et plus certainement pour éviter les bagarres au parterre, réservé au peuple. Chaque année, en juillet, il revit lors d’un grand festival de théâtre classique.
Texte : Claude Hervé-Bazin
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