Espagne : les plus belles villes de Castille
Un passé fait de tolérance
La puissance des murailles crénelées, des bastions rebondis et des portes jaillissant au-dessus du Tage — dont les eaux encerclent presque le piton de Tolède dominé par la silhouette imposante de l'Alcazar (photo) —, laisse paraître l’âpreté des combats de jadis. Elle dissimule néanmoins aux premiers regards ce qui, des siècles durant, fit la grandeur de la cité : une période durant laquelle les trois grandes religions monothéistes, islam, judaïsme et christianisme, cohabitèrent comme rarement en d’autres lieux ou temps.
La Tolède arabe finit par former à cet égard l’un des plus grands centres culturels d’Europe, où gravitaient historiens, mathématiciens et astronomes de renom. Une douzaine de mosquées y côtoyaient églises et synagogues. La chute de Tolède en 1085 scella l’avancée de la Reconquête, mais pas nécessairement la fin de son apogée. Bien au contraire...
Fascinés par le monde qu’ils soumettaient, les rois chrétiens en adoptèrent certaines coutumes. Leurs scribes puisèrent à la source des manuscrits arabes et juifs, répandant dans l’Europe entière la connaissance de ces autres mondes et de l’Antiquité oubliée.
L’architecture s’infusa d’influences diverses. Il n’est qu’à voir la synagogue de Santa María la Blanca (XIIe), dont les cinq vaisseaux naviguent sous une pluie d’arcades en fer à cheval rappelant les plus belles mosquées almohades. Des pommes de pin ornent les chapiteaux et, au niveau supérieur, des frises dessinent des lunes pleines aux motifs alvéolés sans cesse renouvelés.
L’église San Román (XIIIe), devenue musée wisigoth, semble au premier abord plus musulmane de forme que chrétienne — ne seraient-ce que ces grandes fresques médiévales représentant la résurrection des morts. Elle est typique de ce style que l’on a appelé mudéjar, né dans l’Espagne reconquise, qui fit appel aux formes décoratives islamiques, florales et géométriques.
Texte : Claude Hervé-Bazin
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