Malacca, la Malaisie mosaïque
Prières à la déesse Kuan Yin
La clameur gonfle en quelques instants, gommant le bruit de fond de Jalan Tokong Emas. Le groupe surgit à l'angle de la rue, au son de deux gongs frappés en cadence. Deux porteurs de lanternes emboîtent le pas des musiciens, suivis d'autres hommes. Certains soutiennent des banderoles, d'autres de grands panneaux rouges, peints de caractères chinois honorant Kuan Yin, déesse taoïste de la miséricorde et de la fertilité. C'est aujourd'hui son anniversaire.
Quatre hommes, transportant un autel rouge laqué de noir, forment autour d'eux une petite cohue. Parvenus devant le temple de Cheng Hoon Teng, ils se lancent dans une danse qui fait tinter les clochettes des toits de la mini-pagode. Quelques instants plus tard, ils pénètrent dans l'enceinte, et extraient de leur brancard une tablette gravée d'une inscription rehaussée à la feuille d'or.
Face à nous, se dressent sept bâtons d’encens hauts de deux mètres environ. Les plus gros s’ornent de dragons célestes multicolores. Étranges montures pour la déesse Kuan Yin. Leur queue déjà se consume, en d’acres volutes de fumée. Les fidèles se pressent au pied de l'autel, devant lequel trône un cochon écartelé.
L’air est lourd de cendres. Une orange, deux pommes, côtoient des offrandes de nourriture disposées dans des bols de céramique. Sur le rebord, six coupelles s’alignent, trois remplies d’eau pure, trois de thé de Kuan Yin — l’empereur, dit la légende, buvait cet oolong miraculeux offert par la déesse à un paysan pauvre pour le remercier d’avoir voulu restaurer son temple. Un peu plus loin trônent deux canards laqués, une chèvre grillée.
Quelques incantations à la déesse de la bonne fortune pour un business prospère, et chacun se retire. Des femmes déposent dans le four à prières de la cour, des feuilles rouges et dorées. Vœux de protection, de santé et de longue vie s'envolent ainsi vers les cieux, résidence de l’Immortelle.
Texte : Claude Hervé-Bazin
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