Ile de Mozambique, le temps retrouvé
Saudade sur un rythme africain
De l’ancienne capitainerie à l’immense hôpital Joao de Deus, jadis le plus important de la côte orientale africaine, du palais de São Paulo reconverti en musée (au demeurant très intéressant !) au couvent des Jésuites, transformé en poste de télécommunications, Stonetown, la ville de pierre et de chaux, plonge le visiteur hors du temps. Ici, la statue du grand poète portugais Luis de Camões regarde fièrement l’océan, et là, cachées par les figuiers sauvages, quelques ruines conservent des azulejos. Tandis qu’au loin, on aperçoit la voile triangulaire d’un dhow, petite embarcation héritée des marins arabes, se découpant sur l’horizon.
L’ambiance est à la nonchalance et à une charmante saudade aux accents africains. Pour s’en convaincre, il faut se rendre de l’autre côté de l’île au village macuti où vit la majeure partie de la population, dans des paillotes aux toits de palme. Si Stonetown évoque un musée à ciel ouvert, ici la vie bat son plein, riche des traditions macua, l’ethnie majoritaire du nord du Mozambique. On peut y croiser un groupe de danseuses de tufo, un art qui mêle apports arabes et bantous. Estrela Vermelha est le plus connu, mais il existe huit groupes sur l’île. Chaque groupe est mené par une danseuse qui aborde, souvent en les improvisant, des thèmes de la vie quotidienne repris en chœur par les autres femmes, toutes vêtues à l’identique. Les hommes, eux, se contentent de donner le rythme sur des tambours en peau, échos puissants d’une société matriarcale.
Aujourd’hui, il existe un projet de déplacement du village macuti sur le continent, de l’autre côté du pont oxydé (officiellement pour des questions de salubrité). Mais certains y voient surtout une façon déguisée de dégager de l’espace pour créer des infrastructures touristiques et rendre la destination plus populaire. Au risque d’y perdre un peu de son âme.
Texte : Stéphanie Poli
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