Ile de Mozambique, le temps retrouvé
Une terre de brassage
En fin d’après-midi, le soleil déclinant illumine la mosquée d’où sortent les derniers fidèles. Juste derrière, sur la petite plage, l’animation est à son comble pour saluer le retour des pêcheurs. Il semble que toute l’île se soit donné rendez-vous au milieu des barques, des seaux et des paniers tressés. Quelques touristes sont venus observer le ballet des écailles, marché improvisé sur le sable, tandis que les femmes, avec leurs capulanas chatoyantes chargent sur leur tête des bassines pleines de thon, mérous, sardines et autres poulpes. Plus loin, on répare des filets multicolores.
Momade, gardien d’une mosquée toute verte, est en grande conversation avec Padre Bruno, le prêtre italien. En ce vendredi, l’un a revêtu sa djellaba d’apparat, l’autre, en short, cheveux blancs hirsutes, est un ecclésiastique pour le moins rock’n roll qui avoue un certain penchant pour la bière et dont les bavardages sont fameux. Cette scène témoigne d’un des traits de caractère les plus réjouissants du lieu : l’entente, la tolérance et la souplesse religieuses, issues de la longue histoire de métissage de cette île, aujourd’hui éloignée de tout (Nampula, la ville la plus proche, se trouve à quatre heures de bus), qui fut une terre de passage et de brassage.
Ainsi, Padre Bruno, avec la provocation qui le distingue, a t-il pu ouvrir une institution catholique pour jeunes filles juste en face de la mosquée et de la madrasa, poussant l’humour et le paradoxe à en inscrire l’accueil en arabe. Non loin, le temple hindou survit au service d’une ultime famille qui honore en dilettante les dieux de son panthéon. Les trois religions cohabitent paisiblement, même si l’Islam reste fortement majoritaire.
Texte : Stéphanie Poli
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