Buenos Aires, l’imagination au pouvoir
L’énergie des Porteños
Pourquoi tant d’Européens succombent-ils si facilement aux charmes de Buenos Aires ? Peut-être, paradoxalement, parce que le dépaysement ne s’y fait pas sentir. En se promenant dans les rues de la capitale argentine, le voyageur découvre, avec surprise, une ville rétro évoquant une métropole européenne des années soixante. L'illusion est parfaite si l'on demeure dans le centre. Elle disparaît lorsque l’on découvre les bidonvilles aux abords de la ville. On se souvient alors que l'on est en Amérique latine.
Malgré sa superficie et son trafic automobile digne d’une grande métropole sud-américaine, Buenos Aires est une ville attachante, aux facettes multiples. Ici et là flotte l'odeur des asados, les fameux barbecues argentins. Le bife de chorizo et le churipan s’apprécient sur les terrasses entre amis ou en famille. Sur les places, on boit du maté, une infusion d’herbes d’origine indienne, aspirée avec une paille en métal, que l’on se passe entre amis en célébrant la vie.
Le tempérament de Buenos Aires est sans doute moins ouvertement gai que celui de Rio de Janeiro, autre ville mythique du sous-continent. On dit même que c’est en Argentine que l’on trouve la plus grande densité de psychanalystes au monde. Il n’empêche que l’un des charmes les plus prenants de la ville réside dans ses habitants, les Porteños, ces « gens du port », à la fois si meurtris par l’histoire et si entreprenants. Les nombreuses crises politiques et économiques, qui ont secoué l’Argentine au cours des dernières décennies, ont pourtant laissé des traces indélébiles dans les cœurs et dans les esprits. Tous les jeudis, sur la place de Mai, les femmes viennent, depuis près de trente ans, pleurer leurs proches disparus pendant les années noires de la dictature.
Autres témoignages d’un profond malaise social hérité de l’effondrement de l’économie en 2001 : les cartoneros, qui récupèrent les déchets des quartiers riches et les amènent au centre de recyclage pour quelques pesos, mais aussi les portes des banques taguées. Et, pourtant, Buenos Aires se réinvente encore et toujours. Preuve de l’énergie irrésistible et insatiable de ses habitants.
Texte : Laure Delmoly
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