Trois îles au large de Dakar

Trois îles au large de Dakar
Cédric Rousseau

Malgré tous ses attraits, Dakar n’est pas toujours une ville facile à vivre. Les voyageurs étouffés par les excès inhérents à une grande métropole, à commencer par ceux de la pollution, peuvent à loisir trouver un refuge sur les trois petites îles qui entourent la presqu’île du cap Vert : Gorée, l’archipel de la Madeleine et N’Gor. Trois îles, trois caractères distincts, trois manières d’envisager l’Afrique d’aujourd’hui, ses beautés, ses défis, ses blessures, ses aberrations aussi.

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Gorée, symbole de l’esclavagisme

Gorée, symbole de l’esclavagisme
Cédric Rousseau

Tout voyageur au Sénégal se doit d’aller faire un tour à île de Gorée, fief de la mémoire des esclaves noirs arrachés à l’Afrique. Mais Gorée est aussi un havre de paix, qui réserve son lot de surprises dès lors que l’on prend le temps de la parcourir à pied et de discuter avec ses habitants. Malgré sa petite taille (300 m de large et 900 m de long), une journée s’avère insuffisante pour en faire le tour.

Gorée possède indéniablement un charme méditerranéen. Pour être plus précis, elle ressemble à l’île d’Aix surplombée par un village provençal, avec ses façades coloniales repeintes de couleurs vives, ses ruelles pavées, ses fortifications, ses ateliers d’artistes. Pour la petite histoire, la vocation artistique de Gorée remonte à la création d’une université par Léopold Sédar Senghor peu après l’indépendance du Sénégal. Celle-ci est aujourd’hui fermée, mais elle attirait un grand nombre de musiciens, d’écrivains, de sculpteurs et de peintres. L’un de ces peintres a développé un style très apprécié par les touristes et très… copié : des personnages filiformes vêtus de vrais morceaux de wax (le tissu qui habille des millions d’Africains), peints sur un fond de couleur vive. Un peu partout au Sénégal, on retrouve sur ce modèle de très jolies toiles, plus décoratives qu’artistiques.

L’un des peintres de Gorée, et pas le moins talentueux, a trouvé la formule pour mettre tout le monde d’accord : « Avec tout ce qui s’est passé ici, il faut que la culture émerge ». Difficile en effet de parler de Gorée, par où transitaient les esclaves noirs, sans évoquer les trois siècles de commerce d’êtres humains. Les historiens ont fait de l’île un symbole de l’esclavagisme. Le conservateur de la Maison des esclaves, Joseph Ndiaye, est le gardien de cette mémoire. Dans son bureau, ses phrases sont sans équivoque : « C’est ici que s’explique le retard que l’Afrique a pris sur la voie du développement ». En effet, dix à quinze millions d’hommes, de femmes et d’enfants arrachés au continent équivalent à un déficit des naissances de plus de quatre-vingts millions d’individus ! Depuis plus de quarante ans, il met son charisme et ses connaissances au service des visiteurs. Son discours est bref, mais émouvant, documenté et enflammé. Au point que certains Afro-américains, venus là pour comprendre le calvaire de leurs ancêtres, en ressortent bouleversés...

À Gorée, « l’homme est le remède de l’homme »

À Gorée, « l’homme est le remède de l’homme »
Cédric Rousseau

En arrivant sur l’île, on est très vite assailli par des personnes se prétendant guides. Qu’ils soient patentés ou non (sachez que certaines cartes sont des fausses), il est difficile de déterminer lequel sera le plus compétent. Le mieux est de prendre le temps de discuter et de choisir celui avec qui vous aurez le meilleur feeling.

Pourquoi ne pas se faire accompagner par un habitant ? Les Goréens sont d’une gentillesse sans pareille. Avec un peu de chance, vous sympathiserez avec l’un d’entre eux. Il vous présentera son île avec ses mots, vous montrera des recoins étonnants (comme les souterrains du Castel, où vivent des dizaines de familles !), vous parlera de tolérance religieuse (sur 1 500 habitants, les deux tiers sont musulmans, le reste est catholique, l’œcuménisme est ici une évidence). Ceci étant, pas la peine d’embellir le tableau : Gorée est très à la mode, les prix de l’immobilier ont explosé et la jet-set y a pris ses aises. Comme souvent en Afrique, c’est la débrouillardise qui permet aux Goréens peu fortunés de continuer à y vivre. Baba, étudiant à la fac de Dakar, résume ça très bien : « En Europe, certains disent que l’homme est un loup pour l’homme. En wolof, on préfère dire que l’homme est le remède de l’homme ».

Pour finir, un petit florilège des atouts de Gorée. Le fort d’Estrées, au Sud, abrite le passionnant Musée historique du Sénégal, incontournable ! Le Musée de la femme et celui de la mer présentent un intérêt plus limité. Le village artisanal est agréable (on y est moins assailli qu’à Dakar) et très fourni, marchandage conseillé… Les ruelles sont toutes plus charmantes les unes que les autres, n’hésitez pas à les arpenter dans tous les sens. À voir aussi : la maison de Blaise Diagne, premier député africain élu à l’Assemblée nationale française ; les ateliers d’artistes (celui de Gabriel Kemzo Malou, élève de Mustapha Dimé, se trouve sur un site splendide à l’extrémité sud de l’île, et accueille d’autres artistes en résidence) ; le Castel (plateau rocheux fortifié offrant une vue splendide sur l’île et sur Dakar) ; ajoutons la place du Gouvernement, l’ancien palais du gouverneur, les anciennes maisons de commerce très bien conservées (toute l’île est protégée par l’Unesco), et n’oublions pas les promenades en mer : n’en jetez plus !

Les îles de la Madeleine, un parc national à protéger

Les îles de la Madeleine, un parc national à protéger
Cédric Rousseau

Les amateurs de calme et de nature à l’état brut seront comblés par l’aspect hostile de cette île d’origine volcanique. Imaginez un morceau de brousse de 700 m de diamètre, jeté à 4 km des côtes, bien forcé de s’adapter à l’action conjuguée des vents et de la mer. Le résultat est cet archipel inhabité, sauvage, propice à la randonnée aussi bien qu’à la méditation ou à la baignade. La seule île qui se parcourt à pied est l’île aux Serpents. Son nom provient d’un militaire français exilé, Sarpan, que les Lébous voisins ont transformé en Serpent à cause des quelques couleuvres qui logent sur l’île.

L’archipel de la Madeleine est, avant toute chose, le royaume des oiseaux. Plusieurs espèces y ont des espaces de nidification : grands cormorans, balbuzards pêcheurs et phaétons éthérés, que l’on aperçoit tout autour de l’île. Les mères couvent leurs petits sous des rochers répertoriés (à observer avec précaution !). Les plus impressionnants sont sans doute les faucons pèlerins et les milans noirs. Ces rapaces juchés sur des rondins donnent un faux air de western à la façade est de l’île.
Côté végétation, le baobab nain est l’un des rares arbres capables de résister aux vents. Il rampe sur le sol à la recherche d’eau, sans grand succès puisqu’il n’existe aucune source sur ce rocher. Notez que l’un des plus grands baobabs nains d’Afrique de l’Ouest a commencé à pousser ici voici plus de cinq cents ans… Pendant la saison sèche (de novembre à juin), l’île est recouverte de paille et de terre rouge. Les tons ocre et brique dominent. À la saison des pluies, elle enfile un manteau vert et quelques fleurs peuvent enfin apparaître.

La Madeleine a toujours eu mauvaise réputation. Elle fut surnommée « île de Merde » par les premiers colons français (le coulis de guano recouvre les rochers telle de la crème chantilly). Les pêcheurs lébous vivant au nord de Dakar lui ont attribué un génie protecteur. Un marabout venait régulièrement communiquer avec ce monde invisible et s’assurer de la bienveillance du génie. Au pied de l’un des baobabs (arbre sacré au Sénégal qui renferme l’esprit des ancêtres), on découvre une sorte de petit cairn circulaire. Rien de préhistorique : il s’agit en fait d’une mosquée dont ce marabout débuta la construction, et donc de l’unique lieu de culte de la Madeleine.

En fin de parcours, la baignade autour du plan d’eau, juste à côté de la digue d’embarquement, est un autre grand moment de communion avec les éléments. La mer pourvoit une petite cuvette gorgée de poissons multicolores, encerclée de rochers noirs (attention aux oursins) et d’une mini-plage à l’abri du vent.

Le combat des « écogardes »

Le combat des « écogardes »
Cédric Rousseau

Les îles de la Madeleine constituent le seul espace naturel protégé de Dakar. Pour découvrir l’endroit, il est possible de se faire accompagner par un guide travaillant pour le Parc national des îles de la Madeleine. Doudou est l’un de ces « écogardes » navrés de constater, année après année, combien il est difficile de protéger l’environnement en Afrique. « La pêche est censée être interdite dans l’archipel, mais comme c’est l’un des derniers endroits où l’on trouve des thiofs (mérous) et des crustacés sans devoir aller au large, les pêcheurs viennent parfois la nuit avec des filets ou de la dynamite ». Même son de cloches du côté du conservateur du Parc des îles de la Madeleine, Lamine Kane : « Nous n’avons pas assez de moyens pour assurer notre mission ». En témoigne le mirador jamais achevé, juste à côté de la case Lacombe (la seule maison construite par un Français au XVIIIe siècle, aujourd’hui en ruine). Il devait servir de poste de surveillance, mais ressemble à une verrue de béton au milieu des baobabs.

Autre sujet de fâcherie : les arbres récemment plantés (bananiers, filaos, etc.) selon la volonté ministérielle, au mépris de l’écosystème de l’île. Les barrières en bois qui devaient les protéger du vent ont été soufflées par les alizés et les jeunes pousses, arrosées de temps à autre par des porteurs de bidons venus du continent, font peine à voir. « Les études préalables sur l’impact de l’introduction de nouvelles espèces n’ont pas été réalisées », soupire Lamine Kahn. De même, l’accès à la plage d’embarquement est menacé par un projet hôtelier pharaonique. « Le tourisme d’affaires risque de priver les populations d’un espace public. C’est un dossier sensible, mais nous nous battons pour sauvegarder ce parc national. » Ce qui fait dire à de nombreux habitants que le cap Vert se prénommera bientôt le cap de béton...

Les deux visages de N’Gor

Les deux visages de N’Gor
Cédric Rousseau

Située à quelques minutes de l’aéroport en taxi, l’île de N’Gor a tout pour plaire. Calme, indolente et ombragée, elle offre un espace de bronzette et de balade qui convient aussi bien aux touristes qu’aux Dakarois en quête de détente. Idéal pour faire des rencontres en maillot de bain...

Avant l’arrivée des colons français, l’île de N’Gor était inhabitée. Seules quelques chèvres élevées par des pêcheurs lébous musardaient sur un territoire « interdit », patronné par un mauvais génie (un peu comme sur la Madeleine). À la fin du XIXe siècle, les militaires français établirent des camps stratégiques sur la pointe nord-ouest, dont on peut encore voir les ruines. Les blocs de béton décrépis qui parsèment la côte nord sont également des restes d’installations militaires.

Avec le développement du tourisme au Sénégal, N’Gor s’est découvert un nouveau visage et accueille plus de cent mille visiteurs par an. Facile d’accès (cinq minutes à peine de pirogue), elle n’est habitée à l’année que par quelques dizaines de résidents. Les ateliers d’artistes et lieux d’exposition ont essaimé partout : toiles, sculptures, batiks (système de teinture complexe à base de cire fondue), murs de ciment peinturlurés ou recouverts d’haïkus plus ou moins politisés, tout est prétexte à l’expression artistique. Les ruelles serpentent sur l’île au milieu des cottages ceinturés de murs en pierre ou (plus souvent) en béton. On peut facilement louer l’une de ces maisons, de la villa grand luxe avec piscine au baraquement aménagé style mobile-home.

Les plages sont petites, mais idéalement situées ; orientées plein Sud, elles donnent sur un plan de mer protégé par des barrières rocheuses. De l’autre côté de l’île en revanche, l’océan ne fait pas de cadeau. Des roches noires polies ou déchiquetées par les déferlantes protègent la baie de N’Gor-village. Quelques surfeurs se risquent dans la zone où se cassent les vagues ; un jeu casse-cou réservé aux experts… On ne saurait trop vous conseiller de venir à N’Gor en semaine. Les touristes y passent souvent leur dernier week-end et les étudiants sénégalais l’envahissent pendant leurs vacances. Sans parler des Français expatriés qui en ont fait leur lieu de prédilection pour le farniente. Certains dimanches, le moindre centimètre carré de sable est revendiqué et les cabanons à grillades ne désemplissent pas.

Une autre particularité de l’île de N’Gor : il n’y a pas d’électricité, seuls quelques panneaux solaires et groupes électrogènes produisent un peu de courant. Boubacar, un résident, est catégorique : « L’électricité, on n’en veut pas ! Pas de télé, pas de réverbères, juste quelques lampes dans la pénombre, c’est comme ça qu’on aime notre île ». C’est un peu pour ça que N’Gor dénote dans le paysage. À bâbord, l’hôtel Diarama, vestige austère des débuts de l’ère touristique au Sénégal. À tribord, le Club Med, qu’on ne présente plus. Au milieu, le village de pêcheurs, avec par endroits ses allures de bidonville. L’île est comme un trait d’union entre la zone touristique et les quartiers populaires, un des rares endroits où les deux mondes se côtoient, le temps d’un week-end. Une vision idyllique ? Peut-être...

Infos pratiques

Comment se rendre sur les îles ?

Gorée
Départs réguliers de la chaloupe depuis l’embarcadère de Gorée, sur le port, près de la gare. Tarifs : 5 000 F CFA l’aller-retour. Renseignements sur les horaires : www.senegal-online.com

La Madeleine
La plage d’embarquement est située sur la corniche ouest, après l’anse de Soumbédioune. Compter 1 500 F CFA pour le taxi depuis le centre-ville, 5 000 F CFA pour la traversée et la contribution au Parc national. Téléphoner au 821-81-82 pour prendre rendez-vous. Prévoir des chaussures de marche et de quoi se protéger du soleil.

N’Gor
Départ de la plage du village de N’Gor, dans la zone touristique. Va-et-vient permanent de la pirogue. 500 F CFA l’aller-retour.

Les sites sur le Sénégal à visiter
www.ausenegal.com : sans doute le plus complet et le plus pratique.
www.seneweb.com : nombreuses dépêches d’actualité et liens vers les principaux journaux du pays.

Texte : Cédric Rousseau

Mise en ligne :

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