Ma nuit dans un « capsule-hôtel » à Tokyo
Les lumières des banlieues s’étendent entre les volcans et le Pacifique
Tokyo, un soir d’hiver. 21 h à l’aéroport de Narita. Un comptoir
spécial pour les visiteurs étrangers peut effectuer trois services en dix minutes
à peine. Je demande un billet (avec réservation de place) pour le train à grande
vitesse (le Shinkanzen) Tokyo-Kyoto qui part le lendemain à 6 h 30, un
deuxième billet aller sur le Skyline (métro aérien ultra-moderne) pour
rejoindre le centre de Tokyo, et un coupon de réservation pour une nuit prépayée
dans un hôtel de la capitale. Ces trois opérations ont été effectuées par une
jolie Japonaise, avec le sourire. Décidément, l’efficacité japonaise commence
dès l’arrivée à l’aéroport. J’opte pour un capsule-hôtel, soit 4 000 yens (environ
280 F) la nuit, une des formules les plus économiques, et les plus insolites,
dans cette mégapole où la moindre chambre d’hôtel coûte au moins le double (8
000 yens). L’Auberge de jeunesse ? Un choix classique, à peine moins onéreux.
Elle est trop éloignée du centre. Les chambres chez l’habitant (les ryokan),
oui, bonne solution, mais pas à cette heure tardive. Demain éventuellement.
Le Love Hotel, excentrique et bizarre, mais réservé aux couples pressés de conclure :
cela n’a aucun sens pour un Européen voyageant en solitaire. Quant aux autres
formes d’hébergement, elles sont au-dessus de mes moyens. Mes billets et mes
coupons en main, je quitte l’aéroport de Narita sur un tapis roulant clignotant
et j’embarque dans le Skyline. Direction : le centre de Tokyo. La
mégapole s’endort, les lumières des banlieues s’étendent entre les volcans et
le Pacifique. Je descends à la station de métro Akihabara. Mon sac en bandoulière,
trois minutes de marche jusqu’à l’hôtel.
Le Capsule Inn se dresse au bord de l’avenue Shouwa, encore vibrante
à cette heure de feux étincelants jaunes et rouges. Les enseignes multicolores
et incompréhensibles scintillent sous le crachin nippon, portant des foules
d’idéogrammes que j’aime regarder pour la beauté énigmatique de leurs dessins.
Pas un seul panneau en anglais. Rien. Extérieurement, la bâtisse en acier et
en verre domine la circulation du haut de ses 9 étages : un banal immeuble
de bureaux. J’entre. Je m’attends à dialoguer avec une boîte parlante, après
avoir introduit ma carte de crédit dans une machine automatique, comme dans
les hôtels Formule 1. Non, pas du tout, je suis surpris de trouver à la réception
un Japonais affable et sa femme, entourés d’une ribambelle d’appareils électroniques,
de caméras de surveillance, des mini-écrans de télévision. Un magnétoscope diffuse
des images d’un film d’action. Une cabine de pilotage de capsule spatiale ?
Toute la modernité japonaise est résumée dans cette sophistication technologique.
L’homme baragouine quelques mots d’anglais. Il m’explique avec bienveillance,
comme si j’étais un enfant perdu, le mode d’emploi du capsule-hôtel. D’abord,
se déchausser. Je range mes chaussures dans une sorte de grand boîtier à chaussures
collectif, juste à côté de la porte d’entrée. Je ferme la boîte, laissant la
clef au réceptionniste. Par souci de propreté, les hôtes se déplacent pieds
nus ou en chaussettes. Certains clients sortent de leur sac des sandales qu’ils
portent dans les couloirs et qu’ils enlèvent avant d’entrer dans la capsule.
Mon sac de voyage étant trop volumineux pour la capsule, le réceptionniste me
signale une étagère où je dois le déposer. Après avoir sorti ma trousse de toilette
et un T-shirt, je retourne au comptoir où le réceptionniste me donne un bracelet
numéroté en caoutchouc auquel pend une petite clef. N° 913, le numéro de ma
capsule. Même rituel qu’à l’entrée d’une piscine. Des cadres sirotent des boissons
en cannette sorties des distributeurs automatiques. Un ascenseur dessert les
9 étages.
- Introduction
- Les lumières des banlieues s’étendent entre les volcans et le Pacifique
- Les Japonaises ne fréquentent pas ce genre d’établissement.
- Au Japon, la civilisation et la religion ne sont-elles pas originaires des volcans ?
- La plus grande ville du monde. Et aussi la plus mal connue de la planète.
Texte : Olivier Page
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