Collioure côté fauve
Aqui hi viu un jugador de petanca
Au bout de la rue Pasteur, dans l’une de ses perspectives chères à Matisse
et à Derain, apparaît la place du Marché. Tous les mercredi et dimanche matin,
les producteurs régionaux viennent y vendre miels des Albères, vins de banyuls,
anchois marinés, fromages de chèvre frais, fruits de saison ou tissus imprimés.
Un lieu incontournable pour qui veut saisir le caractère de Collioure, à la
fois bien trempé et bon enfant ! Inloupable également : les matches
de rugby sur les écrans du Café Sola, ou les apéros à l’Hostellerie des Templiers,
réputée pour ses murs tapissés de tableaux. Un verre de sangria, quelques tapas,
et l’on pourrait rester là pendant des heures, à discuter le bout de gras avec
quelques gaillards au regard franc et au sourire accueillant.
Dans la baie, pourtant, certains rigolent moins : c’est l’heure de l’exercice
pour les troupes du Centre national d’entraînement commando. Une formation musclée
destinée à préparer à toute éventualité les cadres de l’armée… et leur en faire
baver. « Les stages à Collioure restent mon pire souvenir ! », ironise un ancien de Saint-Cyr. « En été, c’était équipement au grand complet
et course sous le cagnard avec tout le bazar. En hiver, mini-short, tee-shirt
et longue expé en canoë ! » Confortablement installé à
une terrasse du Boramar, un couple d’habitués observe le spectacle : « Les
pauvres, on se croirait à Intervilles », commentent-ils. « Sauter
du ponton, nager, franchir le filin, replonger : en treillis et croquenots,
ça doit vraiment être coton ! ». Le vieux monsieur, lui, remballe
ses pinceaux. « Fini de se prendre pour Picasso ! Faut que je file
au faubourg, c’est l’heure de ma pétanque. » Le déjeuner ? « Oh,
vous savez… Un bout de saucisse, un oignon, une tomate : ici, pas besoin
de plus pour être heureux. »
Texte : Réjane Ereau
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