À la rencontre des Long Neck Kayan Lahwi
Nai Soi, une vitrine touristique
C’est David, un Canadien rencontré le matin à la guest-house qui m’a convaincu
de l’accompagner à Nai Soi. J’étais face à un dilemme : soutenir l’exploitation
indécente des femmes girafes Kayan Lahwi, ou voir de quoi il s’agit de mes propres
yeux. Je suis donc parti à reculons vers ce village sans imaginer que j’y reviendrais
deux jours plus tard pour y passer la nuit, en toute illégalité, à l’invitation
d’une famille du village.
Nai Soi n’est pas exactement un zoo humain, ou tout du moins, cela dépend de
l’attitude de ses visiteurs. Organisé par les Kayans eux-mêmes, c’est une activité
dont ils ne sont pas dupes et dont ils ont impérativement besoin, même si cela
profite aux Thaïs également (toutes sortes d’arnaques et d’abus sont répertoriés).
Arrêtons de traiter ces êtres humains, aux coutumes ancestrales spectaculaires
certes, de sauvages ! C’est oublier un peu vite que c’est là leur seul
point de contact avec l’extérieur, d’une part, et d’autre part, une source de
revenus anecdotique, mais la seule activité que les Thaïlandais leur autorise.
Majon, la princesse locale qui figure sur les calendriers, traverse le village
avec autant de grâce que Grace Jones. Plus sophistiquée qu’une New-Yorkaise,
cette jeune femme de vingt ans me confiera ne pas être à l’aise, mais se laisse
filmer et photographier comme une pro. Elle interpelle les passants en leur
parlant leur langue maternelle. Comment fait-elle pour ne jamais se tromper ?
« Je parle un peu anglais, français, espagnol, italien. Je me trompe une
fois sur dix », dit-elle dans un sourire. Majon ne sait pas lire, elle
n’est allée qu’un an à l’école. Majon fait des blagues aussi, souvent, révélant
un humour noir digne du meilleur humour yiddish. On ne voit que des femmes dans
le village, en train de tisser des écharpes de coton plutôt stylisées, de vendre
de l’artisanat birman, ou de poser pour les photographes. Les enfants sont à
l’école, les ados au lycée à une heure et demie de marche dans le camp de réfugiés.
Il n’y a pas d’hommes entre vingt et quarante ans dans le village. « Mes
deux grands frères et ma plus grande sœur sont restés en Birmanie », me
glissera Majon.
Texte : Grégory Papin
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