L'enfance
" Je n'ai jamais eu d'enfance et il me semble
que je suis sans cesse à la recherche de cette enfance perdue ",
lâchait crûment Jack London. Il naît le 12 janvier 1876 à San Francisco.
Fils de Flora Wellman, femme instable et férue de spiritisme, il
ne connaîtra jamais son père biologique (on pense qu'il s'agit de
l'astrologue William Chaney). Huit mois après la naissance de Jack,
Flora s'est en effet remariée avec un certain John London. Ce n'est
qu'à l'âge de vingt et un ans que Jack apprend que cet homme dont
il porte pourtant le nom n'est vraisemblablement pas son géniteur.
Le choc est plutôt rude !
Flora n'ayant pas la fibre maternelle, Jack est
élevé par une nourrice, Jennie Prentiss, une femme noire qu'il aime
plus que sa mère. Cependant à la maison, l'affection manque cruellement.
Et dès l'âge de dix ans, Jack doit gagner sa vie en trimant dur,
en vendant des journaux, devenant un gosse des rues, coriace et
batailleur. À treize ans, il travaille dans la conserverie d'Hickmott
(jusqu'à dix-huit heures par jour, payé dix cents de l'heure !).
Là, il découvre la condition d'esclave des ouvriers et ce triste
constat le hantera toute sa vie. Avec l'argent de tante Jennie,
il achète un petit bateau, le Razzle Dazzle, et écume alors la baie
de San Francisco. Pour gagner sa vie, il devient pilleur d'huîtres
! L'argent est vite gagné et flambé. Il fréquente les marins du
port d'Oakland et, à peine âgé de seize ans, se met à boire avec
les durs, les voyous. (" Il valait mieux régner parmi les pochards
que de passer douze heures à l'usine pour gagner à peine un peu
plus d'un dollar "). Lassé par ses razzias d'huîtres, il rallie
la Patrouille de Pêche californienne et le voleur se fait gendarme
! Repousser l'horizon, toujours, vivre vite, d'adrénaline, d'aventure,
naviguer, travailler en défiant le hasard… le jeune Jack London
est insatiable !
" En 1894, à nouveau chômeur, il rejoint l'armée
des sans-travail de Jacob Coxey qui s'ébranle en une gigantesque
marche de protestation vers Washington. C'est une véritable cour
des miracles ! London se mêle aux vagabonds, apprend à mendier,
à dépouiller le passant et à voyager clandestinement de train en
train, risquant sa vie à chaque étape. Baptisé " Frisco Kid ", il
est arrêté à Niagara Falls pour vagabondage et doit purger trente
jours au pénitencier d'Erié, trente jours d'enfer. On retrouve,
fascinés, tous ces croustillants épisodes de jeunesse dans ses romans
et nouvelles. London raconte avec verve et virtuosité son expérience
de pilleur d'huîtres et de garde-côte dans Les Pirates de San
Francisco (cf. également La croisière du Dazzler). De
son inexorable descente aux enfers de l'alcool, il rédigera le sombre
et autobiographique Cabaret de la dernière chance. Enfin
de ses pittoresques errances ferroviaires, naîtra un immense chef-d'œuvre,
Les Vagabonds du rail, classique d'entre les classiques,
osé, qui fut l'un des premiers ouvrages à dépeindre une Amérique
atypique mais réelle : l'Amérique de toutes les misères. (Et n'oublions
pas que ce petit joyau littéraire inspirera bien plus tard un autre
chef-d'œuvre à naître : le Sur la route d'un autre vagabond
céleste, Jack Kerouac !).
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