Le départ

Les grands explorateurs des mers sont déjà légion lorsque Lapérouse s'élance dans l'Atlantique pour son grand périple. Bartolomeu Dias, Christophe Colomb, Vasco de Gama, Magellan et d'autres ont ouvert les voies au tournant des XVe et XVIe siècles. Continents, îles, côtes, fonds marins, courants : peu à peu, les Européens découvrent le monde, commercent avec de lointaines civilisations et s'emparent de terres dites sauvages. Au XVIIIe siècle, à l'esprit de conquête se joint et parfois se substitue l'envie de savoir. Esprit des Lumières oblige, les scientifiques de toutes sortes sont embarqués à bord des navires qui s'élancent dans des zones excentrées et mystérieuses. C'est le temps des Béring, Wallis, Bougainville et Cook, « l'incomparable Cook » comme on le surnomme à l'époque, dont les voyages dans le Pacifique sont vite devenus légendaires. Lapérouse va ajouter son nom à cette formidable liste de héros.

Jean-François de Galaup est né à Albi le 23 août 1741. C'est pour favoriser sa carrière militaire que son père, noble, mais pas assez aux yeux des conventions de l'époque, ajoute un titre à son nom. La famille détient les terres du Gô. Mais Galaup du Gô ne sonnant pas assez bien aux oreilles du patriarche, ce dernier achète une métairie appelée Peyrouse. L'orthographe utilisée par la famille sera La Pérouse ou Lapérouse. Cette dernière est à présent communément admise.

Lapérouse devient marin sans avoir jamais vu la mer. Il a quinze ans lorsqu'il part pour Brest où il sera formé à l'école des gardes de la Marine. Sans doute l'aura de Clément de la Jonquière, son oncle, un important officier de la Royale, a-t-elle eu son influence sur la décision prise par le jeune homme et ses parents. Devenu officier, il est engagé dans les combats menés en rade de Quiberon contre les Anglais en 1759 lors de la guerre de Sept Ans. Il bataille aussi au Canada, est blessé, puis fait prisonnier. Il sert ensuite aux Antilles, puis dans l'océan Indien en tant qu'enseigne de vaisseau. Au cours de missions à la fois officielles et commerciales, il se rend aux Seychelles et en Inde où il remonte jusqu'à Calcutta et se bat pour sauver le comptoir de Mahé assiégé par des troupes locales. Installé à Port-Louis, sur l'Île de France (actuelle Île Maurice), il devient propriétaire terrien et se fiance à une jeune fille de la bourgeoisie coloniale. Mais en 1776, il revient en France, ou plutôt à Versailles, afin de faire progresser sa carrière. Promu lieutenant de vaisseau, il retourne batailler contre l'Angleterre dans les Antilles et sur les côtes nord-américaines pour soutenir les États-Unis naissants.

Un fait d'arme le rend célèbre. En 1782, dans la baie d'Hudson, il parvient à détruire toutes les places fortes tenues par les Anglais. Paradoxalement, cette réussite lui accorde un rare prestige chez ses ennemis, car il a su se montrer généreux. Embarquant la plupart des vaincus pour les ramener en Europe, il a également laissé du matériel et des vivres à ceux qui, partis à l'intérieur des terres, allaient à leur retour trouver des ruines au lieu d'un refuge. Attitude ô combien exceptionnelle chez les gens d'armes, hier comme aujourd'hui ! Son rôle dans la guerre d'Amérique lui vaudra de faire partie de la très sélect Société de Cincinnati qui réunit tout ceux qui ont joué un rôle déterminant dans la création des États-Unis. Lapérouse se marie avec Louise Éléonore Bourdou, sa fiancée créole, et est nommé capitaine de vaisseau en 1785. Très populaire, il bénéficie maintenant de forts soutiens au gouvernement et à la cour. Le roi Louis XVI lui-même le connaît.

Une expédition très en vue. En 1784, il est question d'envoyer une nouvelle expédition dans les mers lointaines, sur les côtes nord-ouest d'Amérique du Nord pour se rendre compte de leur potentiel commercial, notamment en ce qui concerne les fourrures et la pêche à la baleine, de même qu'il est prévu de trouver ce fameux « passage du Nord-Ouest » qui permettrait de contourner le continent américain. Le projet est pris en main par Louis XVI, depuis toujours passionné par la géographie. Plus que par la serrurerie, contrairement à ce que l'on prétend communément. Le souverain opte pour une expédition dominée par la recherche scientifique et la reconnaissance des mers, terres et peuples que l'on trouvera en chemin. La préparation se fait d'abord dans le plus grand secret. On envoie même un espion en Angleterre afin qu'il rapporte les meilleures informations concernant les voyages de Cook. Mais très vite, tout le monde est au courant.

Le programme s'enrichit de jour en jour. Chaque société et académie scientifique entend déléguer l'un de ses membres à bord des navires en partance. L'expédition va ressembler à une université flottante. En font partie des experts en géographie, géométrie, astronomie, mécanique, physique, chimie, anatomie, zoologie, botanique, minéralogie, météorologie, mathématiques, horlogerie… On se dispute les places. Il a d'ailleurs été dit qu'un jeune élève officier nommé Napoléon Bonaparte était très tenté par l'aventure. Au final, on arrive quand même à caser une vingtaine de savants auxquels s'ajoutent des artistes, prêtres, chirurgiens, techniciens, officiers et hommes d'équipage, plus des vaches, des moutons, des cochons, des poules… Et quantité de marchandises pour effectuer des échanges (outils, étoffes, médailles, etc.), de semences destinées à être distribuées pour le bien des populations (version ancienne des programmes humanitaires !) et de matériel sur deux flûtes transformées en frégates. On en change les noms. À juste titre. Le Portefaix devient la Boussole et l'Autruche l'Astrolabe. La première est commandée par Lapérouse, la seconde par le Breton Paul-Antoine-Marie Fleuriot de Langle. Avant de partir, Lapérouse, chef de l'expédition est reçu par le roi. Le trajet est fixé, mais liberté est laissée au marin de changer de cap s'il le juge utile. La Boussole et l'Astrolabe doivent attendre trois semaines que les vents leur soient favorables avant de quitter Brest.

suite...

Illustration :
Louis XVI, accompagné du maréchal de Castries, ministre de la marine,
donne des instructions sur une carte déployée, à la Pérouse
pour son voyage autour du monde.
Peinture de Nicolas Monsiaux, XVIIIe s.
Source Photothèque Hachette Livre.

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