Du bordel aux cours royales

Norberto 'El Pulpo' Esbres & Luiza Paes © Carlos Vizzotto Pouah ! fait la bonne société. Pendant longtemps, le tango est considéré comme une sous-culture destinée aux moins que rien. Ceux-là mêmes qui peuplent les titres et, bientôt, les contenus des chansons. Il y a le malevo (méchant, brute), le cafishio (marlou, petit proxénète), le rufián (souteneur)… Tous ces types de macho agissent en solitaire ou sont aux ordres d'un caudillo (chef, caïd). Ils vénèrent ou maltraitent - ou bien les deux à la fois - leur china ou leur mina, leur pebeta, voire leur yira (prostituée). La figure la plus courante est le compadre (compère, homme de main, parrain de quartier). Il est imbu de lui-même, querelleur et n'a pas envie qu'on le prenne pour un gaucho (paysan), ce que souvent il a été avant d'échouer dans les faubourgs de la grande ville. Un échelon en dessous se trouve le compadrito, un élégant des faubourgs qui joue au hors-la-loi. Et tout en bas, voici le compadrón, le minable, le demi-sel. Cette malevaje (gens de mauvaise vie, pègre) est décidément une engeance indigne au regard des gens du monde.

Peu à peu, le tango entre au salon. La petite bourgeoisie commence à prendre goût à la musique des misérables au début du XXe siècle. On la joue dans des restaurants et dans des cabarets (notamment au très prisé L'Armenonville) où les orchestres s'agrandissent et produisent un tango de plus en plus sophistiqué. En cachette ou lors de réunions familiales décontractées, on le danse gentiment au salon, en écoutant des cylindres et des disques.

Le tango débarque à Marseille en 1906. Si l'on en croit la légende, ce serait les marins de la frégate-école Sarmiento (devenue musée à Buenos Aires) qui auraient répandu les premiers tubes du tango dans les lieux de turpitudes locaux. Des partitions sont laissées sur place, dont celles de El choclo et de La moracha d'Angel Gregorio Villoldo.

Une danse chic et parisienne. À la veille de la Première Guerre mondiale, c'est à Paris que l'histoire du tango connaît un de ses tournants majeurs. Après Marseille, la capitale de la France adopte la danse et la musique argentines. Ses propagateurs les plus en vue sont Alfredo Gobbi et Flora Rodrìguez, un Uruguayen et une Chilienne mariés qui se produisent avec succès dans diverses salles et gravent de nombreux enregistrements. D'Argentine, vont alors affluer une foule de danseurs, de chanteurs, de musiciens, de compositeurs et d'auteurs. Ils connaissent souvent des passes difficiles, mais voient leur art reconnu. L'académicien Jean Richepin, par exemple, fait l'éloge du tango. Stupeur à Buenos Aires où l'on fait grand cas de ce qui se fait et se dit à Paris. En tout cas, la passion française pour le tango durera plusieurs décennies, autant dans les clubs select que dans les bals populaires où l'on pratique le tango musette.

Le tango séduit à présent toute l'Europe, y compris dans les cours royales. Cela dit, des voix s'élèvent contre cette chose obscène et subversive qui transforme des civilisés en nègres efféminés. Le jazz, le rock'n'roll, le rap et la techno connaîtront eux aussi ce type de rejet.

Le premier film sur le tango date de 1900. Il se nomme Tango argentinero et est réalisé par Eugenio Py. Au temps du muet, des orchestres interprètent les parties musicales dans la salle de projection. Par la suite, on tournera régulièrement des long-métrages à la manière des comédies musicales nord-américaines. À noter que le premier film sonore argentin, signé par Luis Moglia Barth en 1933, s'intitule… Tango.

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Danseurs : Norberto 'El Pulpo' Esbres & Luiza Paes
Photographe : © Carlos Vizzotto - www.vizzotto.com - vizzotto@uolsinectis.com.ar

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