De
nos jours, des millions d'individus vivent à proximité des
volcans, dont soixante entrent en éruption chaque année.
Le plus souvent, ce n'est pas l'éruption même qui cause mort
et dévastation, mais les effets indirects, tels que les famines,
les coulées de boue (ou lahar, terme indonésien), les tsunami
(raz-de-marée) ou les nuées ardentes. Voici quelques-unes
des éruptions les plus colossales, mystérieuses, destructrices
ou meurtrières de l'histoire.
« La
définition que je donne du risque majeur, c'est la menace sur
l'homme et son environnement direct, sur ses installations, la menace
dont la gravité est telle que la société se trouve
absolument dépassée par l'immensité du désastre. »
Haroun Tazieff
Le
mythe de l'Atlantide
En 1967, des fouilles archéologiques sur l'île de Santorin,
dans l'archipel des Cyclades (Grèce), révèlent une
cité ensevelie : Akrotiri. Environ 2 500 ans av.
J.-C., la Crète et les Cyclades appartenaient à un vaste
empire qui dominait le bassin méditerranéen : la civilisation
minoenne. Cnossos, la capitale, se distinguait par une avancée
technologique exceptionnelle. Les maisons avaient l'eau courante et l'art
y était florissant. Cette grandeur dura mille ans. Puis, ce fut
le silence. Que s'était-il passé ?
« Or
dans cette île, l'Atlantide, s'était constitué un
empire vaste et merveilleux (…). Mais dans ce temps qui suivit,
se produisirent de violents tremblements de terre et des déluges.
En l'espace d'un seul jour et d'une seule nuit funestes, toute votre
armée fut engloutie d'un seul coup sous la terre, et l'île
Atlantide s'enfonça pareillement sous la mer. »
Platon
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Santorin
© Claude Hervé-Bazin
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Santorin
comptait plusieurs villes minoennes, dont Akrotiri. Au XVe siècle
av. J.-C., le volcan explose. L'éruption projette des pierres ponces
à 900 km, des cendres assez loin pour assombrir le ciel égyptien.
Le cône s'effondre, provoquant un gigantesque raz-de-marée
sur toute la Méditerranée. Dans la Bible, l'ouverture de
la mer Rouge, les plaies d'Égypte, verraient ici leur explication.
Lorsque les scientifiques exhument Akrotiri, certains font le lien avec
un texte de Platon décrivant l'Atlantide ! Mais Platon donne
des indices qui rendent difficiles de situer ici la cité engloutie.
Quoi qu'il en soit, cette éruption fut l'une des plus importantes
de l'Antiquité. Les villes minoennes, dont Cnossos en Crète,
subirent de lourds dégâts. L'explosion aurait été
quatre fois plus forte que celle du Krakatoa en 1883… La Méditerranée
fut longtemps impraticable (donc baisse du commerce) et l'on peut supposer
que les cendres causèrent de nombreuses famines.
Pompéi
saisie dans les cendres
Le 24 août 79, le Vésuve, près de Naples en
Italie, se réveille après plus de mille ans de sommeil.
L'éruption durera trois jours. Le cratère crache, à
plus de 20 km d'altitude, une colonne de cendres, de gaz et de pierres
ponces, qui s'abattent sur Pompéi. Des incendies se déclarent
partout. Herculanum, une ville voisine, est recouverte par la lave. Pompéi
est enterrée sous 4 à 6 m d'épaisseur de pierres
et de cendres. Environ 2 000 personnes trouvent la mort. Grâce
à Pline le Jeune, neveu du savant romain Pline l'Ancien, un témoignage
quasi scientifique de la catastrophe est arrivé jusqu'à
nous. Lors des événements, ils se trouvaient tous deux au
cap Misène, près de Naples. Pline l'Ancien, pour porter
secours à des amis, se rend dans une ville plus près du
Vésuve, Stabies. Il y mourra asphyxié.
« (…)
ce fut la nuit, non comme une nuit sans lune ou nuageuse, mais comme
dans un espace clos, toutes lumières éteintes. Tu aurais
pu entendre les cris perçants des femmes, les appels au secours
des enfants, les cris des hommes; les uns recherchaient en criant des
parents, d'autres leurs enfants, d'autres encore leur conjoint, et tentaient
de les reconnaître à la voix; certains s'affligeaient de
leur propre malheur, d'autres de celui des leurs; il y en avait qui
suppliaient la mort par crainte de la mort; »
Pline le Jeune
Durant
les fouilles (1748), les archéologues découvrent les corps
pétrifiés des victimes de Pompéi. Pourquoi n'ont-ils
pas fui alors qu'il était encore temps ? On pense que la population,
ne connaissant pas d'autres éruptions, hésita trop longuement,
ne comprenant pas le danger qui les menaçait.
La
famine de la brume
L'été 1783, en Islande, après une semaine de tremblements
de terre, le sol se déchire, formant une fissure de 20 km
de long. De violentes projections de cendres s'accompagnent d'un épanchement
de plusieurs kilomètres cubes de lave très fluide. L'éruption
dure 7 mois.
Les cendres recouvrent l'île entière, dessèchent la
végétation, tuent des animaux sauvages, rendent la visibilité
en mer si mauvaise que la pêche devient impossible. Les émissions
de soufre et de gaz carbonique contaminent les eaux de surface et les
pâturages : 50 % du cheptel bovin, 79 % des moutons,
76 % des chevaux sont exterminés. Les Islandais tombent comme
des mouches en raison de la terrible famine - qu'ils nommeront « famine
de la brume ». Avant l'éruption, l'Islande comptait
48 884 habitants. En 1786, ils n'étaient plus que 38 363.
C'est la plus grande catastrophe jamais survenue en Islande. Elle aura
des répercussions dans toute l'Europe, qu'une brume bleuâtre
composée de cendres et de gaz va couvrir, provoquant des famines
pendant des années. Pour les Écossais, 1783 sera « l'année
des cendres ». Pour les Français, très touchés,
cette famine est la goutte qui fait déborder le vase. Le peuple
se soulève. En 1789, c'est la Révolution…
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Hawaï
© Claude Hervé-Bazin
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Unzen
1792
Le Japon, aux confins de quatre plaques tectoniques, fait régulièrement
face à la fureur de la nature. Chaque année, des milliers
de séismes viennent secouer le quotidien nippon. En 2004, on dénombre
pas moins de 24 typhons (220 victimes et 9,3 milliards de dollars de dégâts) !
Et c'est sans compter ses 70 volcans actifs…
Depuis 20 000 ans, l'activité du volcan Unzen, à 6 km
de la ville de Shimabara, se caractérise par des éruptions
hautement explosives, des coulées de laves, des lahars et
des tsunamis. En mars 1792, alors que le volcan avait cessé
de cracher de la lave depuis environ un mois, tout un flanc du volcan
s'effondre, libérant une énorme coulée de boue sur
les quartiers sud de la ville de Shimabara, causant un gigantesque tsunami.
En tout, 14 524 personnes périrent. Après une période
de repos de près de 200 ans, le mont Unzen s'est soudainement réveillé
en novembre 1990. Il constitue actuellement une des plus fortes menaces
naturelles du Japon.
« Entre
ces passages de neige qui comble les vallons, nous retrouvons la lave,
de grandes plaines de lave pareilles à des champs immenses de velours
noir, brillant sous le soleil avec autant d'éclat que la neige elle-même.
C'est la région déserte, la région morte, qui semble en deuil, toute
blanche et toute noire, aveuglante, horrible et superbe, inoubliable. »
Guy de Maupassant
Les
couchers de soleil du Tambora
Le Tambora est situé sur la pointe ouest de l'île de Sumbawa,
à l'est de l'archipel indonésien. Un énorme volcan
de 60 km de diamètre et 2 850 m d'altitude avec,
au centre, une caldeira de 6 km de diamètre, formée
lors de l'éruption cataclysmale de 1815.
Cette année-là, l'éruption décapite le sommet
du volcan, lui faisant perdre 1 500 m d'altitude en quelques
heures. Des nuages de cendres assombrissent l'atmosphère et recouvrent
une superficie aussi grande que celle de la France, détruisant
les récoltes. Environ 92 000 personnes périssent, dont 80 000
de la famine qui en résulta, notamment dans les îles de Sumbawa
et Lombok. À cause du Tambora, l'été 1816 n'aura
tout simplement pas lieu. En Europe, les récoltes sont catastrophiques.
En Nouvelle-Angleterre (USA), des gelées en juillet et août
ruinent les paysans. Parmi les premiers effets, on put observer en Europe
et, notamment à Londres, en raison de la matière en suspension,
de magnifiques couchers de soleil, enflammant l'horizon. Ce phénomène
inspira le peintre anglais William Turner, qui en fit de remarquables
aquarelles, ainsi que le poète Lord Byron (Darkness).
Krakatoa
ou la furie du mont silencieux
Dans le détroit de la Sonde, à 40 km à l'ouest
de Java sur l'île de Rakata en Indonésie, le Krakatoa (ou
« mont silencieux ») explose avec une furie
dévastatrice le 26 août 1883. Ce fut l'une des plus grandes
catastrophes naturelles de l'histoire. Un gigantesque raz-de-marée
engloutit les villes et villages côtiers, sur les îles de
Java et de Sumatra, faisant 36 400 morts. La déflagration
généra des vagues d'environ 40 m de hauteur, qui traversèrent
les océans Pacifique et Indien, la côté de l'Ouest
américain et de l'Amérique du Sud, ainsi que la Manche.
Des poussières volcaniques s'élevèrent dans l'atmosphère,
affectant le climat terrestre pendant plusieurs années. L'énergie
totale dégagée par la plus grande explosion de cette éruption
fut équivalente à 150 mégatonnes de TNT. Pour comparaison,
la bombe atomique de Hiroshima correspondait à 20 kilotonnes !
L'explosion fut entendue à plusieurs milliers de kilomètres
de distance. Pas mal, pour un mont silencieux…
« De
son lit de douleur, le prêtre mourant pu contempler ce cratère
en feu d'où s'échappaient avec fracas mille gerbes éblouissantes.
Que c'est beau, dit-il, et que la puissance de Dieu est infinie jusque
dans ses plus terribles manifestations ! »
Jules Verne
Le
rescapé de la Pelée
Seul volcan actif de la Martinique, la montagne Pelée culmine à
1 397 m. En 1902, alors qu'on croyait le volcan éteint,
des fumerolles s'élèvent dans les airs et répandent
une forte odeur d'œufs pourris. En mai, le volcan se met à
vomir des cendres et des vapeurs enflammées, entrecoupées
d'éclairs que cause le frottement des cendres les unes contres
les autres. Au pied du volcan, les habitants de Port Saint-Pierre ne se
doutent pourtant pas de ce qui les attend lorsque le 5 mai 1902 au matin,
un torrent de boue dévale le flanc de la montagne, balayant tout
sur son passage, dont une usine en contrebas, l'engloutissant avec ceux
qui l'occupaient. Quelques jours plus tard, à peine l'émotion
de la tragédie apaisée, telle une bombe gigantesque, la
montagne Pelée explose. À 6 ou 7 km de là, les
gens de Saint-Pierre se sentaient en sécurité. Mais une
nuée noire chauffée à 800° C dévale
vers la ville à toute vitesse, se sépare en deux bras qui
finalement se resserrent sur Saint-Pierre. Tout ce qui est en verre fond,
tout ce qui est en bois s'enflamme. En quelques instants, 28 000
personnes meurent brûlées ou asphyxiées. Port Saint-Pierre
est anéanti. On ne retrouva que deux survivants : le cordonnier
et un prisonnier, Louis Cyparis, qui fut protégé par les
murs de son cachot - et gracié par la suite.
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Hawaï
© Claude Hervé-Bazin
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Nevado
del Ruiz, quand le lion se réveille
Le Nevado de Ruiz, volcan colombien de la cordillère des Andes, culmine
à 5 400 m d'altitude. Son sommet est recouvert de neige et de
glace. Le soir du 15 novembre 1985, une violente éruption entraîne la
fonte de l'énorme masse de neige, libérant un incontrôlable torrent de
boue et de cendres, qui, à près de 35 km/h, dévale les flancs escarpés
du volcan. Une heure et demie plus tard, la ville d'Armero, située à une
cinquantaine de kilomètres de là, est rayée de la carte avec ses 24 000
habitants.
Le Nevado n'en était pas à sa première catastrophe. Les envahisseurs espagnols
du XVIIe siècle en savaient quelque chose. Mais il avait cessé de se manifester
depuis 1845, au point que la population l'avait surnommé « le
lion endormi ». Pourtant, dès les premiers symptômes en 1985,
un groupe de géologues est assigné à la tâche d'évaluer les risques. Après
coup, leur rapport est frappant tant il était exact. Pourquoi le gouvernement
n'a-t-il pas fait évacuer Armero ? À qui la faute ? Le « mammouth »
administratif ? La crainte de susciter en vain la panique ?
Le coût d'une telle opération ? L'image de la petite Omeyra, fillette
de douze ans prise dans la boue, agonisant 60 heures devant les caméras
du monde entier, restera en tout cas gravée dans la mémoire de ceux qui
regardaient la télé, ce soir-là…
« On
distingue à peine, à travers les vapeurs suffocantes,
l'autre bord de ce trou monstrueux (…) et dont la muraille toute
droite s'enfonce vers le mystérieux et terrible pays du feu.
La bête est calme. Elle dort au fond, tout au fond. »
Maupassant
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