Epopées à deux

Jour de foire, Weichang,
Mandchourie, 1934.
© Musée de l'Elysée, Lausanne

1935, Le Petit Parisien, spécialisé dans le grand reportage, envoie la jeune femme en Mandchourie, alors occupée par les Japonais. Elle y retrouve Peter Flemming, journaliste du Times, avec qui elle va entreprendre une traversée de la Chine d'Est en Ouest, pour atteindre les oasis interdites du Sinkiang (d'où le titre du livre, Oasis interdites) et de là, rejoindre le Cachemire, en passant par les cols muletiers du Pamir et du Karakoram. Clandestinement, car le Turkestan chinois, dont la population est en majorité musulmane, est en plein soulèvement…

Ella découvre le voyage à deux, avec ses avantages et ses inconvénients : " À deux, on n'apprend pas si vite la langue, on n'est pas adopté par les indigènes, on plonge moins dans l'ambiance ". Malgré cela, elle profite à plein du voyage, souhaitant que celui-ci ne connaisse pas de fin : " Je souhaiterais que le voyage pût se prolonger toute la vie ; rien ne m'attire en Occident où je sais bien que je me sentirai seule parmi mes contemporains, dont les préoccupations me sont devenues étrangères ".

Nicolas Bouvier dira de ce récit : " Je suis resté dans l'ombre bénéfique de cette lecture longtemps après l'avoir achevée. Je crois que le principal mérite de ce récit magnifique est d'être aussi un livre heureux ".

1939, Ella Maillart quitte une Europe au bord de l'abîme, en compagnie de son amie Annemarie Schwarzenbach (Christina dans le livre). Les deux femmes détalent, en Ford, vers l'Afghanistan. Elles y partent autant à la recherche de paysages et de rencontres avec les peuples qui les habitent, qu'à la redécouverte d'elles-mêmes. Pour Christina, accro à la morphine, ce voyage est aussi celui du dernier espoir. Ce récit, La Voie cruelle, qui relate cette aventure, est souvent considéré comme le plus beau texte d'Ella. Beaucoup plus personnel que les précédents, elle y fait part de ses émotions et, malgré le fait qu'Annemarie ne se sortira pas de " la voie cruelle ", Ella, elle, semble profiter de ce voyage plus que de tout autre et paraît apaisée. Elle continue cependant de chercher " au loin, le secret d'une vie harmonieuse ". De Harat à Bamiyan, de Kaboul à Ghazni, les deux femmes collectionnent couleurs et émotions : " Les premières lueurs de la journée me donnèrent de la joie. Les couleurs étaient vives, mais fondues, comme bordées de nacre (…). Gris et vaporeux, le Kouh-i-Baba semblait flotter très au loin. Vers le Nord et au-delà des falaises aux bouddhas sculptés s'élevaient de hautes montagnes où l'ombre des ravins était d'un bleu de velours et où des plaques de neige faisaient des tâches claires ".

Annemarie fera aussi le récit de cette épopée dans Où est la terre des promesses ? Avec Ella Maillart en Afghanistan (1939-1940).

Voyage spirituel et retraite en Suisse

Grotte, Ellora, Maharastra,
Inde, 1940.
© Musée de l'Elysée, Lausanne

Pendant la Seconde Guerre mondiale, Ella repart seule et séjourne dans un ashram du sud de l'Inde. Elle y reçoit l'enseignement de deux maîtres de sagesse, Ramana Maharishi et Atmananda. Ensuite, elle partira sillonner le pays en compagnie d'une chatte tigrée : Ti-Puss. Dépourvu d'ambitions littéraires, Ti-Puss, voyage en Inde avec ma chatte est un reportage brut sur les lieux et les gens qu'elle rencontre. Ella Maillart est dans l'instant présent, dans l'observation participante : elle recherche l'authenticité de l'existence dans le quotidien.

A posteriori, elle écrira dans Croisières et caravanes : " J'étais au début d'un voyage tout nouveau qui devait me conduire plus avant vers la vie complète et harmonieuse que je cherchais instinctivement. Pour entreprendre ce voyage, il me fallait apprendre d'abord à connaître les 'terres inconnues' de mon propre esprit (…). Ce travail est aussi vaste que la vie, car il englobe l'analyse de notre être physique, mental, affectif et spirituel ".

Rentrée en Europe à la fin de la guerre, Ella Maillart s'installe à Chandolin, petit village perché dans les montagnes suisses. Elle y fait construire un chalet, qu'elle appelle Atchala, en mémoire d'Arunatchala, colline sacrée dominant l'ashram dans lequel elle a médité en Inde. Si elle passe les mois d'hiver chez elle (son premier " chez elle ", d'ailleurs !), l' " appel du large " est encore et toujours plus fort que tout. En 1951, elle part pour le Népal (qui vient d'ouvrir ses frontières) et écrit The Land of the Sherpas. Puis, de 1957 à 1987, elle organisera des voyages culturels, entraînant de petits groupes de touristes dans de nombreux pays d'Asie, dans un désir de transmission.

En 1991, est publié Ella Maillart ou la vie immédiate, un ouvrage composé des photos de l'aventurière et de textes de Nicolas Bouvier. Un magnifique portrait d'Ella Maillart.

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