1. Albert Londres
  2. Un reporter de première classe
  3. De la chambre au front de l'histoire mondiale
  4. Un redresseur de torts dans les bagnes de la France
  5. Une locomotive à la recherche d'un nouveau souffle
  6. Pour aller plus loin

Un redresseur de torts dans les bagnes de la France

En 1923, ses reportages commencent à être publiés sous forme de livre par Albin Michel, dans une collection dirigée par un autre grand reporter, Henri Béraud. Sa notoriété est importante, mais cela ne lui suffit pas. Le reporter, maintenant au Petit Parisien, qui a couvert de nombreux champs de batailles, s'attaque à présent à des sujets plus épineux : ceux qui concernent son pays, la France.

Guyane

En 1923, son reportage au bagne de Cayenne connaît un énorme retentissement aussi bien auprès du public qu'auprès des institutions. Inhumain et inefficace, tel est le système selon lequel vivent les forçats :

" Enfin, me voici au camp ; là, c'est le bagne. Le bagne n'est pas une machine à châtiment bien définie, réglée, invariable. C'est une usine à malheur qui travaille sans plan ni matrice. On y chercherait vainement le gabarit qui sert à façonner le forçat. Elle les broie, c'est tout, et les morceaux vont où ils peuvent. (…)
Il y a la discipline incertaine mais implacable. Selon l'humeur, un vilain tour ne coûtera rien à son auteur ; le lendemain, l'homme ramassera une mangue, don de la nature au passant : ce sera le blockhaus. Un réflexe, ici, est souvent un crime. (…)
Qu'ils en aient chacun d'après son mérite, ce n'est pas ce que nous discutons, mais qu'ils soient venus sur terre pour dormir cloués à une planche, on ne peut dire cela. Plus de neuf mille Français ont été rejetés sur cette côte et sont tombés dans le cercle à tourments. Un millier a su ramper et s'est installé sur les bords, où il fait moins chaud ; les autres grouillent au fond comme des bêtes, n'ayant plus qu'un mot à la bouche : le malheur ; une idée fixe : la liberté. "

Extrait de Au bagne, 1924, recueil des reportages livrés au Petit Parisien en 1923.

Algérie

Le journaliste, seul, a fait bouger la société. Il enchaîne et récidive en 1924, en allant visiter les bagnes militaires d'Afrique du Nord, là où sont envoyés les délinquants et criminels en uniforme. Ces articles pour Le Petit Parisien seront réunis dans un livre au titre explicite : Dante n'avait rien vu.

Pigalle, Argentine, Marseille

De 1925 à 1927, Londres suit les forçats de la route, les cyclistes du Tour de France, " tour de souffrance ", puis dénonce les tares du système psychiatrique français. Enfin, il enquête sur les proxénètes de Pigalle et la " traite des Blanches " en Argentine. Il dresse également le tableau de Marseille, une cité qui est pour lui, et beaucoup d'autres, la porte d'entrée du sud :

" La Canebière est le foyer des migrateurs.
C'est le rendez-vous de tous les Français qui se sont connus ailleurs qu'en France.
Si vous avez un compte à régler avec un mauvais Européen qui, sur un point quelconque des grands océans, vous a vendu des poissons chinois qui sont crevés en route, achetez un gourdin, venez vous asseoir sur la Canebière et attendez ; le misérable passera sûrement un jour.
Ils y passent tous.
C'est à croire que les voyageurs ont une religion secrète et que la Canebière est quelque chose dans la religion des voyageurs, comme La Mecque dans la religion des musulmans.
Cela, par exemple, doit leur valoir d'imposantes indulgences plénières, de venir une fois tous les cinq ans prendre un vermouth-cassis sur la Canebière ! De toutes façons, ce doit être une raison comme ça.
Autrement, je ne rencontrerais pas ici, chaque soir, entre six et sept heures, tous les messieurs et dames que j'ai connus sous l'autre soleil. (…)
Voici Mouffin. Ah ! Mouffin ! Il n'a pas le temps de s'arrêter ; il est pressé. On l'attend à sa maison, paraît-il.
- Et où est votre maison, Mouffin ?
- Aux Nouvelles Hébrides, pardi ! "

Extrait de Marseille, porte du sud, 1927, recueil des reportages livrés au Petit Parisien en 1926.

Brésil

À Cayenne, Albert Londres avait rencontré Eugène Dieudonné, un menuisier anarchiste condamné sans preuve lors du procès qui jugea " la bande à Bonnot ". Le journaliste apprend que le forçat s'est échappé et retrouve le fuyard. Ce dernier a refait sa vie au Brésil. Londres raconte les péripéties de l'évasion et appuie de tout son poids pour que Dieudonné soit gracié. Il obtient gain de cause.

Congo

1928, après Cayenne, voici la deuxième très grande affaire d'Albert Londres. À la suite du Voyage au Congo d'André Gide, le reporter entreprend un long voyage de quatre mois, du Sénégal au Congo. Le journaliste ne voit d'abord que des personnages extravagants - qu'il photographie -, qu'ils soient " nègres " ou colons. Mais le récit picaresque tourne à l'épouvante, quand Londres découvre les chantiers de la voie ferrée Brazzaville-Pointe Noire et les exploitations forestières des alentours. Des Africains y meurent par milliers. Dénonciateur de crimes commis au nom de la colonisation, Londres - qui n'est pas anticolonialiste - réclame des réformes urgentes et radicales. Quand une révolte éclatera un peu plus tard sur les lieux mêmes de son reportage, certains le considéreront comme un traître. Ci-dessous, il raconte une campagne de recrutement pour le chantier du train Congo-Océan :

" Au Moyen Logone, au Moyen Chari, au Dar el Koutti, dans la Haute-Kato, au Bas-Bomou, dans les régions du Gribingui, d'Ouaka, d'Ouham, dans la Haute-Sanga, dans le Bas-Bangui, dans la N'Goko Sanga, de l'Oubangui au Pool, maris, frères, fils, ne revenaient pas.
C'était la grande fonte des nègres !
Les huit mille hommes promis au "Batignolles" [l'entrepreneur, NDLR] ne furent bientôt plus que cinq mille, puis quatre mille, puis deux mille. Puis dix-sept cents ! Il fallut remplacer les morts, recruter derechef. À ce moment, que se passa-t-il ?
Ceci : dès qu'un Blanc se mettait en route, un même cri se répandait : "La machine !". Tous les nègres savaient que le Blanc venait chercher des hommes pour le chemin de fer ; ils fuyaient. (...) Nous nous mettions à la poursuite des fugitifs. Nos tirailleurs les attrapaient au vol, au lasso, comme ils pouvaient ! (...) On en arriva aux représailles. Des villages entiers furent punis. "

Extrait de Terre d'ébène, 1929, recueil des reportages livrés au Petit Parisien en 1928.

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