Théodore Monod a quitté ce monde le 22 novembre 2000, sans remords ni regrets. " Pour moi, la mort représente un départ sans peur, un appareillage comme disent les marins et le dernier de la vie n'est peut-être qu'une arrivée, une jubilation. " Cette quiétude, il la devait sûrement au sentiment d'avoir achevé une œuvre riche et intense, incomparable.

Une vocation précoce

Théodore Monod, le " marcheur du désert " est né à Rouen en 1902, fils et petit-fils de pasteur sur cinq générations. Cet héritage spirituel l'a naturellement porté vers la vocation pastorale, mais la science l'a rattrapé dans les couloirs du muséum d'Histoire naturelle. " Pour être entré un jour dans ce monde enchanteur, je ne l'ai plus quitté. " Sa vocation de chercheur est précoce et résolue, sa curiosité insatiable : à l'âge de quatorze ans, il rédige sa première Relation zoologique et biologique, une description rigoureuse des insectes et des fleurs découverts à quatre pattes dans les buissons du Midi, à l'occasion d'un voyage familial. Puis il crée sa propre société d'histoire naturelle et édite un bulletin, Le Martin Pêcheur, dont il est " rédacteur, imprimeur, directeur, secrétaire et écrivain, livreur, relieur ". Il y consigne des monographies d'oiseaux, des relations de voyage ou l'étude des astres observés de sa salle de bains.

La découverte de l'Afrique

A Nouakchott en 1995  © Edmond DiemerAprès une licence de sciences naturelles, il est recruté à l'âge de vingt ans par le muséum d'Histoire naturelle dans un laboratoire consacré à l'étude des pêches d'outre-mer. Sa première mission lui fait gagner Port-Étienne, en Mauritanie. Son étude achevée, il décide de gagner Dakar avec une caravane de Maures. Cette première traversée du désert est un véritable coup de foudre. Ayant renoncé à la carrière de pasteur, il fait de ce milieu hostile son diocèse du cœur. À l'Afrique, il restera fidèle toute sa vie : " ma devise, c'est un continent par existence ". Une deuxième mission le conduit sur les rives du fleuve Cameroun pour étudier la faune aquatique. Pendant un an, il sillonne l'Afrique équatoriale à pied ou en chaise à porteur. Sa thèse achevée sur Paragnathia fornica, minuscules crustacés, il repart pour le Sahara : un voyage d'un an qui lui permettra de se livrer à son activité favorite, la collecte de plantes, d'insectes, de roches et de fossiles. Le destin mettra sur sa route une de ses premières découvertes majeures, l'" homme d'Asselar ", un squelette fossilisé remontant au néolithique.
Puis vint le temps du service militaire, auquel il est fermement opposé par refus de la guerre. L'Afrique lui épargne cette corvée : il est nommé chamelier dans la Compagnie saharienne du Hoggar, l'occasion rêvée de poursuivre sa collecte d'échantillons ou de relever les gravures rupestres du massif de l'Ahnet.
De retour à Paris, il épouse Olga Pickova et a deux enfants, puis succombe de nouveau à l'appel du désert. En 1934, il se lance à la recherche d'une météorite tombée dans le massif de Mauritanie. Il la poursuivra toute sa vie, pour se rendre compte, à quatre-vingt-cinq ans, que " toute l'histoire a pour origine une regrettable confusion entre un relief rocheux banal et une prétendue masse météorique ". À l'Adrar mauritanien, sa terre d'élection, succède le Tanezrouft, pour une traversée héroïque du " pays de la peur et de la soif ", une zone totalement désertique et inexplorée. Il n'y trouvera rien d'autre qu'un " reg horizontal et indéfini ". " Une rude épreuve pour les bêtes et pour les hommes. "

Où l'aventurier pose ses valises

Avec femme et enfants, il s'installe à Dakar en 1938, afin d'y créer l'Institut français d'Afrique Noire (IFAN). Lorsque la guerre survient, il a pour mission de surveiller la frontière entre le Tchad et la Libye, aux mains de Mussolini. Au mépris des règles élémentaires de la guerre, il entre en contact avec l'ennemi pour obtenir l'autorisation d'explorer le territoire libyen. Hostile à la guerre, il choisira pourtant le camp de la France libre dont il est un des représentants à Dakar. Il milite activement contre Vichy et le fascisme et démonte une à une les thèses racistes, preuves scientifiques à l'appui, dans ses textes de combat et sur Radio Dakar. Fidèle à ses principes, il refuse de prêter serment au Maréchal. En 1944, il accueille De Gaulle à Dakar.
La guerre achevée, il participe à une première scientifique, la plongée du Bathyscaphe d'Auguste Piccard (qui inspira le personnage du professeur Tournesol à Hergé). C'est un échec, mais en 1954, Monod et Piccard parviennent à pénétrer le cœur de l'océan, à 1 054 m de profondeur. Il y observe, fasciné, la flore et la faune des profondeurs océaniques. Mais il retournera toujours au désert, le parcourant de long en large, à pied, inlassablement. Il avait quatre-vingt-treize ans lors de sa dernière traversée.

Une œuvre immense

Dans le désert libyque© Edmond DiemerEn 1997, à l'occasion de son quatre-vingt-quinzième anniversaire, le muséum d'Histoire naturelle organisa un colloque consacré à l'œuvre de Théodore Monod. L'étendue de ses travaux parut aussi insondable que l'immensité désertique. Parmi ses découvertes les plus marquantes, il faut retenir la description de la série pourprée de l'Ahnet et des couches de l'Adrar dans le champ de la géologie, l'homme d'Asselar et les gravures rupestres du Tibesti en préhistoire, et un herbier riche de quatre mille huit cents espèces en botanique. Sans oublier la centaine de fleurs, d'animaux, de reptiles, de crustacés, de poissons… qu'il a découverts et auxquels est désormais accolé le génitif monodi. Théodore Monod est entré dans l'immortalité aux cotés de cette nature qu'il a tant chérie.
Quant à son œuvre sénégalaise, l'IFAN, il y a développé sa vision d'une science à la croisée des savoirs, alliant sciences naturelles, sciences de l'homme et géographie. L'Institut est par exemple à l'origine d'un Atlas international de l'Afrique de l'Ouest " qui traite aussi bien de la végétation, que de la faune et des populations ". Il a aussi contribué au développement culturel et scientifique du Sénégal et de l'Afrique par la création de deux musées à Gorée, le musée des Esclaves et le musée de la Mer, et la réunion régulière de l'ensemble des chercheurs de l'Afrique occidentale.
L'œuvre de Théodore Monod ne s'est pas bornée à une quête solitaire de cailloux dans le désert, il a vécu au milieu de ses semblables en tentant d'en comprendre les besoins avec un esprit de tolérance rare pour son temps. Il aura été à la fois chercheur en zoologie, en géologie, et en humanité, un chercheur de frontières en terre humaine.

Photographies: © Edmond Diemer

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