A la conquête du GR 20
Que la montagne est belle !
Puis c'est la quatrième étape. Point fort de la journée et du GR 20, le bien nommé cirque de la Solitude ou comment descendre 1 000 m pour mieux les remonter. Nombreux passages accidentés, mais équipés de chaînes. Il faut crapahuter, se hisser, se faufiler… D'ordinaire, je me serais volontiers débarrassée de mon sac à dos en pareilles circonstances, mais je me surprends à repenser à une phrase d'un randonneur que j'ai lu avant de partir : « L'habitude est là maintenant. Les corps se sont endurcis et la charge vient se placer naturellement dans le dos comme un appendice corporel amovible mais nécessaire, sans lequel l'équilibre serait imparfait ». Il a raison, sans mon sac, je ne fais pas le poids. À l'arrivée au refuge, l'inconnu du soir réside une fois de plus dans la douche. On avait les mateurs, maintenant on a les « marmouilles ». C'est du moins ce qu'annonce un panneau accroché dans les sanitaires qui avertit de la présence de ces lézards. Nous ne ferons pas leur connaissance, mais celle de souris qui, pendant la nuit, vont sérieusement entamer nos boules de pain si précieusement conservées.
C'est lors de la sixième étape que nous marcherons sur les rives du lac de Ninu, un autre point fort du GR. Un bijou offert par Dame Nature qui a pris soin de le creuser sur une vaste étendue verdoyante qui tranche avec les eaux magnifiquement bleues du lac. De nombreuses petites flaques, appelées pozzines, jonchent le gazon qui n'a rien à envier à un green de golf. Il n'en fallait pas plus pour attirer nombre de cochons et de chevaux sauvages. Le paysage ainsi dévoilé est digne d'un tableau, riche de toutes ces couleurs et nuances de tons. La lumière, c'est toute la magie de la Corse. C'est dans ce décor idyllique qu'un homme a choisi de reposer.
Je me rappelle cette sépulture croisée au détour d'un chemin à quelque 1 700 m d'altitude. En Corse, chacun peut se faire enterrer où bon lui semble, dans ses terres ou chez des amis. Aussi rencontre-t-on çà et là des caveaux isolés. Le surlendemain, pause-déjeuner réconfortante à la bergerie de Tolla. L'accueil, comme souvent sur le GR, est très chaleureux. Ne faut-il pas admettre qu'une des plus grandes richesses de la Corse, celle qui la distingue du monde entier, ce sont les Corses eux-mêmes ?
Texte : Blandine Lamorisse
Mise en ligne :