Sarawak : la Malaisie côté jungle

Séjourner dans une longhouse (suite)

Séjourner dans une longhouse (suite)
Claudio Tombari

La nuit tombe assez vite, mais, grâce à un groupe électrogène, la longhouse est éclairée jusqu'à 23 h. Une odeur de feuilles brûlées, certainement le meilleur moyen d'éloigner les moustiques, commence à monter par les quatre coins de la maison, teignant l'atmosphère du soir d'une agréable fumée. Les portes se ferment pour céder la place aux repas des familles et de nous autres visiteurs d'un jour. Je sens que le moment est important et demande à mon guide de rester un peu plus longtemps tandis que le groupe s'éloigne vers le dortoir qui lui est réservé, à l'extérieur de la maison. J'avais bien retenu la leçon du guide qui nous conseillait de nous adresser au chef en cas de besoin, le critère d'autorité étant très important pour les Iban. La porte de sa maison est ouverte et j'aperçois une succession de trois pièces communicantes, salon, chambre, cuisine et même une porte latérale donnant sur la maison de sa belle-sœur. Le chef est assis sur un sofa moderne préparant son costume de scène pour le spectacle du soir. Il me tend son parang, sorte de sabre ou kriss avec des poignées ouvragées, me montre son tabouret sculpté et me pointe ses tatouages tout en les décrivant avec minutie dans un mélange de malais et d'iban, ponctué ici et là d'un mot anglais. Mon guide arrive juste au moment où je vais questionner le chef sur l'odeur très forte qui provient de la cuisine. Louis, mon guide, me dit qu'il s'agit du pansuh, une nourriture très salée à base de viande de porc, de poulet ou de poisson séché, cuite dans des tubes de bambou que les hommes emmènent avec eux quand ils partent au travail.

Ce soir-là, mon petit groupe et moi avons eu la chance de partager un repas avec une jeune famille et non dans l'espace réservé aux visiteurs comme prévu. Ce qui a donné lieu à des échanges fructueux où, grâce à notre interprète, nous avons appris que les enfants sont scolarisés ou pensionnaires dans un institut à proximité de la maison communautaire, que les parents payent une somme dérisoire pour leur scolarisation (10 RM), mais qu'en revanche, ils doivent acheter uniformes et fournitures (maintenant vous saurez quoi apporter de plus utile qu'un paquet de chips lors d'une visite à une longhouse). Nous avons eu du riz, du pak choy sauté, une sorte d'épinard, des nouilles et du porc. L'eau capsulée qu'ils consomment est gardée au frais, tout comme les aliments, dans un frigo qui maintient sa température même quand le groupe électrogène n'est pas en marche.

Le spectacle de musique et de danse se tient au centre de la longhouse, sous la véranda. Les femmes prennent place sur le côté, face au gamelan et aux autres percussions. Le chef apparaît en premier, paré de sa toque en plumes, salue le public en portant un toast et exécute une danse légère imitant les battements d'ailes d'un calao. Jadis, cette danse avait une signification guerrière ; elle est considérée aujourd'hui comme une danse de bienvenue. La même danse est répétée chaque soir par trois hommes et trois femmes qui prennent leurs rôles de manière alternée au cours de la semaine. Le spectacle est suivi de jeux, comme la danse du bambou où les visiteurs sont conviés à participer. La soirée se conclut avec la vente d'objets d'artisanat disposés sur des nattes. Chaque famille propose ses articles, mais les échanges doivent se faire à la vue de tous afin d'éviter les malentendus. Tous les articles ont un prix affiché que l'on peut plus ou moins négocier, mais qui correspond grosso modo aux prix pratiqués par les boutiques de Kuching. Sachez que chaque longhouse a sa spécialité artisanale et que beaucoup des articles proviennent d'autres maisons où les proches de ces familles les ont confectionnés.

Le coucher doit se faire obligatoirement sous une moustiquaire (prévoir toujours une bonne lotion ou crème anti-moustiques ainsi qu'un imperméable léger an cas de pluie fine). Une fois les lumières éteintes, nos hôtes très bienveillants ont allumé une lampe à huile afin d'éclairer le chemin des couche-tard égarés par le charme des étoiles en pleine forêt.

Cinq heures trente, la longhouse et les invités se réveillent aux cris stridents des coqs. Je pense au programme de la journée : démonstration des sarbacanes, ma cible est toute trouvée. Ce matin-là, je me suis surpris à justifier les combats de ces maudits volatiles ! Premiers loueurs, on respire un air très propre. On marche sur les débris de la veille, les écorces de cacahuètes, les graines de tournesol que l'on a données en cadeau. Les gestes matinaux sont fermes et précis : comme dans un théâtre immuable, de chaque porte surgit une femme ou un homme avec son seau de linge à étendre. Les groupes de la veille se forment à nouveau autour d'un plat de nouilles ou d'une tasse de thé. Les coqs ne veulent pas arrêter leurs chants insidieux et les enfants, étonnamment calmes et disciplinés, apparaissent un à un sur les pas-de-porte. Une mère descend l'escalier en vitesse pour déposer ses fils dans la pirogue qui les conduira à l'école. Leurs uniformes blanc et vert sont impeccables, pas un geste brusque ni une éclaboussure en montant sur le bateau dont le moteur étouffe momentanément le brouhaha du poulailler. Un jeune homme apporte son linge dégoulinant sur la balustrade en bambou et se tient en équilibre devant le fil, tandis que sa femme descend au champ pour cueillir les légumes qui agrémenteront le repas.

Fasciné par ce va-et-vient, j'avais presque oublié que les touristes sont également soumis à leur propre discipline : après le petit-déjeuner, on part pour les démonstrations du savoir-faire ancestral des Iban (trappes, chasse à la sarbacane, extraction du caoutchouc) et pour le très intéressant jungle walking où, guidés par le frère du chef, nous passons tour à tour par le cimetière, les champs de culture, suivons les pêcheurs depuis la rive et apprenons l'usage des plantes médicinales. Pour nous, l'aventure prendrait fin bientôt et j'enviais déjà les autres visiteurs ayant choisi de passer une nuit supplémentaire dans cette longhouse. Après tout, ceci n'est pas le genre de voyage que l'on fait tous les jours, autant en profiter au maximum. Bref, je n'ai pas de regrets, mais je songe déjà à y retourner dans un futur proche.

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Texte : Claudio Tombari

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