Le petit train du Yunnan

Ouvrages d'art, vieilles gares françaises

Ouvrages d'art, vieilles gares françaises
Dominique Roland

Nous cheminons maintenant à travers les terres des Miao, l'une des vingt-six nationalités recensées au Yunnan sur les cinquante-six officiellement reconnues en Chine. Grands guerriers dont les révoltes ébranlèrent l'empire chinois, les Miao ont débordé depuis longtemps vers les autres pays d'Asie du Sud-Est, notamment le Vietnam et le Laos, où les puissances occidentales les jouèrent contre les forces communistes. À chaque arrêt, de nombreuses femmes, voûtées sous de lourds paniers de victuailles, se bousculent aux portes du train. La rame est maintenant devenue leur chasse gardée. Pas un recoin du wagon qui ne soit occupé par leurs marchandises. Profitant du trajet qui les conduit d'un village à l'autre, elles comparent les prix, échangent dernières nouvelles et cancans. Malgré quelques libertés prises avec le costume traditionnel, ces passagères en conservent la pièce maîtresse dans une belle unité : la jupe aux mille plis rehaussée de batiks et de broderies colorées. 11 h 00, gare de Wang Tang. C'est maintenant que le spectacle commence. Sur les cent prochains kilomètres, la ligne droite va disparaître, ponts et tunnels vont s'enchaîner sans répit.
L'habitude n'a en rien altéré la fascination des gens du coin pour les paysages que nous traversons. Peu de temps après avoir quitté cette gare, tout le monde se penche aux fenêtres. Lentement se rapproche, " Le pont en dentelle " (au kilomètre 84), le plus long ouvrage de la ligne, incurvé et reposant sur une dizaine de piles. Il fait penser à ces ponts de western qui finissent dynamités dans les films. Pendant une heure, le suspense monte progressivement. On atteint alors le kilomètre 104, début d'un long dénouement qui durera jusqu'au kilomètre 127. Entre ces deux points, la ligne ne compte pas moins de cinquante-neuf tunnels souvent reliés entre eux par des viaducs. Alternance de vide et d'obscurité. En point d'orgue, le pont sur arbalétriers (kilomètre 111) " miracle entre deux ténèbres ", selon Bodart. Reliant deux tunnels percés dans des falaises nues et verticales, il est suspendu à cent mètres au-dessus de la " fausse Namti ". Son ancrage si particulier dans le roc serait dû, selon la légende, à la chute inopinée des ciseaux de son constructeur qui vinrent se ficher de manière inspiratrice à ses pieds. Comme la plupart des ouvrages d'art, il a été acheminé depuis la France par voie maritime, fluviale, puis à dos d'homme et de mules à travers les montagnes. Peut-être y a-t-il parmi mes compagnons de voyage quelques descendants des coolies qui ont accompli ce travail titanesque, souvent au prix de leur vie.
13 h 30. Le tracé s'adoucit. Perdues en pleine montagne, sans que l'on voie de quelconques villages les rattachant plus solidement au monde, les gares, de constructions récentes, n'avaient jusque-là pas d'autre charme que leur isolement. Maintenant, je scrute les alentours avec une attention renforcée. D'après mes informations, nous sommes entrés dans le secteur des gares françaises. Épargnées par le perpétuel mouvement de destruction-reconstruction qui caractérise la Chine jusque dans ses recoins les plus perdus, elles sont désormais l'objet de toutes les attentions. Je ne suis pas déçu. Construites au début du XXe siècle, ce sont d'exactes répliques de leurs consœurs de notre campagne hexagonale. Toitures, maçonnerie, chambranles des portes et fenêtres, tout y est d'origine jusqu'aux horloges ! Sur le quai, le chef de gare, imperturbable, salue d'un geste martial chaque passage du train.
Soudain, j'aperçois la vallée de Mengzi, et Kaiyuan au loin. Lentement, le petit train rejoint une de ces zones ultra-cultivées sans lesquelles le Yunnan ne pourrait subvenir à ses besoins. Le contraste entre cette platitude verte et la force des paysages que l'on vient de traverser est surprenant. Les arrêts se font maintenant dans des agglomérations nettement plus développées. Une nouvelle population nous rejoint. J'échange quelques mots avec un professeur de mathématiques qui parle un peu d'anglais. Plus tard, je tente d'échapper à la curiosité d'un flic éberlué d'apprendre qu'à la trentaine dépassée, je voyage sans femme ni enfant et pire encore, revendique un statut d'étudiant ! Il m'em… Les femmes Miao, maintenant minoritaires, ne se mélangent pas au reste des passagers. Leurs soucis et motivations sont plus simples… et je me sens plus proche d'elles. À 16 h 30, nous arrivons à Kaiyuan. Tout le monde descend.

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Texte : Dominique Roland et Stéphanie Déro

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