L'espéranto

Qu'est-ce que l'espéranto ?

Qu'est-ce que l'espéranto ?
© Arkady Mazor - Shutterstock

C'est l'histoire d'un petit garçon polonais qui assiste innocemment aux conflits ethniques de la fin du XIXe siècle. Dans sa ville, les affrontements sont quotidiens entre quatre cultures, quatre communautés, quatre religions. C'est alors qu'un rêve s'installe dans la tête du jeune Zamenhof : si ces gens partageaient le même langage, s'ils avaient les moyens de communiquer entre eux au-delà des différences culturelles, ils ne se battraient pas. Avec, en germe, l'idée folle d'inventer une langue internationale, qui n'appartiendrait à aucun peuple, mais que tous pourraient pratiquer sans pour autant mettre en question leur identité nationale. En 1887, le projet voit le jour. À vingt-huit ans, usant d'un pseudonyme qui en dit long sur ses intentions, le « Doktor Espéranto » ou « docteur qui espère » invente la langue universelle du même nom.

Depuis, la pratique de l'espéranto n'a cessé d'augmenter. Il serait aujourd'hui parlé par plus de deux millions (jusqu’à dix millions selon certaines estimations) de personnes dans cent-vingt pays ! L'espéranto connaît une expansion phénoménale, puisque l'avènement de l'ère Internet a multiplié les possibilités de communication et d'apprentissage de la langue. Les sites Google, Wikipédia ou Facebook ont aussi leurs versions en espéranto. Plus récemment, le lancement de l’application mobile Amikumu permet de se mettre en lien et d’échanger avec des espérantistes du monde entier. 

« Chaque peuple sa langue, l'espéranto pour tous »

Pour réaliser ce projet aux allures d'utopie, Zamenhof a pioché avec rigueur dans chacune des langues pour en créer méthodiquement une nouvelle, neutre. Car contrairement aux idées reçues, l'espéranto ne tire pas uniquement ses racines de l'Occident. Une rapide analyse linguistique suffit à démontrer la diversité des origines de cet idiome. Les sonorités de la langue rappellent celles de l'italien, avec beaucoup de voyelles, et le vocabulaire semble tiré du latin. En y prêtant un peu plus d'attention, on discerne des racines germaniques et anglo-saxonnes. Dans la construction grammaticale, se retrouvent les traces du grec, de l'arabe et de l'hébreu. Visuellement, les nombreux accents circonflexes donnent aux mots une couleur slovène ou croate. Le même système d'affixe que pour le japonais, le turc ou le hongrois est utilisé, ce qui le rend plus accessible aux Orientaux que les langues latines qui nous sont familières.

« Une langue neutre qui, en parallèle de la langue maternelle de chacun,
servira à comprendre l'autre sans lui imposer son mode de pensée. » Zamenhof

Une langue universelle, très bien mais… pourquoi en inventer une nouvelle, pourquoi ne pas se servir d'une langue qui existe déjà comme… l'anglais ? La question vous brûlait les lèvres, la voilà posée. L'espéranto serait-il l'expression d'un anti-américanisme primaire ? Parler espéranto, ce n'est pas lutter contre les anglophones, loin s'en faut. L'espéranto est a-national, c'est-à-dire qu'il n'est ni la propriété d'un peuple, ni celle d'une culture. Dans une conversation en espéranto, le rapport entre les deux interlocuteurs est donc forcément d'égal à égal, car il n'est pas la langue maternelle de l'un ou de l'autre. Ainsi, comme nous l'explique Juliette Ternant, membre historique de l'association SAT Amikaro et espérantophone depuis plus de cinquante ans, « l'anglais appartient aux anglophones. Quelqu'un qui n'est pas anglophone ne va pas maîtriser la langue comme l'autre dont c'est la langue maternelle. Alors que l'espéranto, tout le monde a fait l'effort de l'apprendre. L'espéranto n'appartient à personne et il appartient à tout le monde ».

Par ailleurs, l'espéranto ne se pratique pas dans les mêmes circonstances que l'anglais. Si on speak english dans quasiment tous les hôtels et dans un réseau touristique mondial, quand on en sort, ce n'est pas forcément le cas. Au fin fond de la Bulgarie, vous êtes plus certain de tomber sur des paysans espérantistes que sur un complexe touristique. Pour le moment, du moins.
Avec l'espéranto, pas question de faire concurrence à l'anglais : les deux langues ne jouent tout simplement pas sur le même terrain. Pour Cyrille, secrétaire de l'association Espéranto-Jeunes, la démarche n'a rien à voir : « On cherche à proposer une langue sans imposer une culture et un marché, comme ce qui se passe avec l'anglais. Il y a une suprématie de l'anglais parce que la loi du marché a imposé cette langue, et même si on ne force pas physiquement les gens à l'apprendre, ils ne peuvent pas faire autrement. Nous, on n'est pas du tout dans la même optique, les personnes qui apprennent l'espéranto le font parce qu'elles l'ont voulu. On s'est toujours posé en tant qu'alternative plutôt qu'en concurrent ».

Cyrille a ainsi expérimenté ce décalage lors d'un séjour au Mexique : « Quand je parlais anglais, le rapport était superficiel, c'était très commercial. Les premières personnes qui te parlaient, c'était souvent pour avoir de l'argent. Avec l'espéranto, c'était plus un rapport culturel. Les espérantistes que j'ai rencontrés m'ont fait visiter la ville, voulaient me montrer tel ou tel musée. Je l'ai vécu comme une langue culturelle, pas comme une langue touristique ».

Texte : Leïla Chaibi

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