La Bolivie, terre baroque

La Bolivie, terre baroque
Potosi © Valery Shanin - Fotolia

Au nom de Bolivie, difficile de ne pas laisser son esprit dériver vers l’Altiplano, parcouru par vigognes et alpagas au flanc de grands lacs frigides et de montagnes enneigées… 

Le cadre, intangible, a vu grandir avec la colonisation espagnole les plus belles villes baroques du pays : Sucre et Potosí, toutes deux classées au patrimoine mondial de l’Unesco.

Les mines d’argent de Potosí, accaparées par la Couronne espagnole dès la Conquête de l’Empire inca achevée, ont enrichi l’Europe, mais aussi la caste des criollos chargés par le pouvoir d’en organiser l’exploitation et le transport. 

À Potosí même, perchée à 4 090 m d’altitude, à Sucre, plus confortablement grandie sur le flanc oriental de la Sierra, à 2 750 m, leur fortune transparaît à chaque coup d’œil sur le foisonnement de pierre de leurs palais et des églises qu’ils financèrent pour le salut de leur âme.

Voyage en terre baroque, à travers une Bolivie méconnue.

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Lorsque Sucre s’éveille

Lorsque Sucre s’éveille
Sucre © jkraft5 - Fotolia

Le soleil matinal réchauffe gentiment la plaza 25 de Mayo, ses bancs ombragés par les palmiers royaux, ses statues d’inconnus célèbres, mariscal (maréchal) Sucre en tête, et ses lions de bronze qu’enfourchent des enfants rieurs.

Les motos pétaradent encore presque discrètement, les premiers bonimenteurs s’époumonent dans leur micro, les klaxons des taxis s’échauffent la voix pour une longue journée de brouhaha. Au-dessus de tout ça, les fils électriques tendent leur toile entremêlée et la cathédrale hisse son périscope plus haut que les toits de la Prefectura – soulignant la longue prééminence, en ces terres, du sacré sur le temporel.

À y regarder de plus près, le portail de la Vierge de Guadalupe, à demi caché derrière sa grille en fer forgé, ne manque pas d’intérêt. Achevé en 1693, il dresse des colonnes franches vers un bouquet de corniches, moulures et voussures affirmant le meilleur du baroque andin. Derrière habite la « Mamita », Nuestra Señora en personne, sainte patronne de la ville, drapée d’un manteau d’or, de perles, d’émeraudes et de diamants – dont on murmure qu’il suffirait à rembourser la dette extérieure du pays !

Côté est de l’esplanade, la Casa de la Libertad a ouvert. C’est dans cet ancien monastère jésuite, devenu université, qu’a siégé le premier Parlement de la Bolivie indépendante, de 1825 à 1899. Reliquaire des héros nationaux, il expose des bribes d’histoire comme autant de motifs de fierté : l’épée de Sucre, des drapeaux, des portraits à ne plus savoir qu’en faire.

Sucre, le baroque des églises

Sucre, le baroque des églises
San Felipe de Neri © cicloco - Fotolia

Sucre est une ville d’églises et de monastères. Bâtis au fur et à mesure de la Conquista par les différents ordres espagnols, ils régnèrent longtemps en maîtres sur les âmes boliviennes. Restent les grandeurs poussiéreuses d’antan, foisonnant en personnages hirsutes sur la façade blanche de Santa Mónica et en heurtoirs géants (et multiples) sur celle de San Miguel.

Pas bien loin, l’iglesia de San Francisco de Asís affirme un style qui semble s’être trompé de continent, avec son superbe plafond d’influence mudéjare – aux éléments décoratifs empruntés à l’Andalousie maure. Les deux confessionnaux, postés de part et d’autre de l’entrée, racontent une autre histoire : celle de ces convers indiens qui s’approprièrent le baroque et le déclinèrent à leur goût, sur des notes souvent aussi charmantes que naïves.

Le marché voisin emporte un instant dans le tourbillon des étals colorés, des piles d’œufs et des marmites qui fument. Mais chaque nouveau coin de rue l’affirme : l’histoire coloniale espagnole s’est principalement inscrite dans la pierre grâce à la religion et ses exigences.

Aujourd’hui, San Felipe de Neri et sa voisine La Merced, décrépite au point de menacer ruine, ont trouvé un autre usage, panoramique : des terrasses de la première et du haut campanile de la seconde, le centre historique s’offre à l’œil sans partage.

Santa Clara et La Recoleta : des parenthèses dans la ville

Santa Clara et La Recoleta : des parenthèses dans la ville
Couvent franciscain de La Recoleta © saiko3p - Fotolia

Ses hauts murs matérialisent une frontière avec le monde des hommes. Mais c’est dans leur tête, avant tout, que s’isolent les 25 pensionnaires du couvent de Santa Clara. Cloîtrées par choix, elles vivent entre les sept offices quotidiens et la fabrication des petits gâteaux, hosties et confitures vendus à un tourniquet dissimulant jusqu’à leur présence physique. La règle n’autorise de sortie que pour des raisons essentielles. Une visite médicale. Une élection. Rien de plus.

Leurs portes s’entrouvrent sur un musée croulant sous les toiles religieuses noircies par le temps, où le Christ, les saints et tous ceux qui les servent apparaissent sanguinolents et contrits de douleur. Petit miracle, la découverte, lors d’une restauration, de fresques de 1707 enluminant les galeries du cloître, vaut aujourd’hui de pouvoir y pénétrer en partie, découvrant deux étages d’arcades et une fontaine assoupie.

Du comulgatorio, par lequel les sœurs recevaient la communion sans se dévoiler, on accède à l’église, toute de blanc, de bleu et d’or. L’orgue en bois de 1792, peint de fleurs et orné de deux singes symbolisant les tons haut et bas, y résonne encore avec fougue à Noël et à la Sainte-Claire.

Plus haut sur la colline, atteint par une harassante volée de marches, le couvent franciscain de La Recoleta, fondé en 1600, vit sa propre vie, à l’orée d’une place où l’on grimpe pour admirer le panorama. Il doit sa réputation à ses quatre cloîtres et son cèdre vieux de 1 500 ans.

Au cœur du pays indien

Au cœur du pays indien
Costume traditionnel à Potosi © Ariane Citron - Fotolia

Une visite au Museo de Arte indígena de Sucre, à deux pas de La Recoleta, titille la curiosité : sur ses murs s’exposent les textiles des différentes communautés de la région.

Ceux des Tarabucos foisonnent d’une multitude de motifs géométriques, de personnages et d’animaux bien reconnaissables, organisés en longues bandes plus ou moins étroites. Ceux des Jalq’a, d’une finesse invraisemblable, explosent de force et d’êtres infernaux rouges sur fond noir, émergeant du néant sans ordre apparent. Ces émanations des croyances précolombiennes, encore en partie ancrées dans les mentalités, ont aussi vocation de signature ethnique.

Sur le marché dominical de Tarabuco, les cholas revêtent encore presque toutes leur costume chamarré, chapeau melon ou drôle de bonnet carré pailleté vissé sur la tête. Quelques vieux chaussent même toujours la montera, un casque en cuir tout droit inspiré de ceux des conquistadors !

Quittant la plaza centrale pour le mercado campesino, les vendeurs de textiles cèdent la place aux piles de vêtements de seconde main gisant à même les rues poussiéreuses, à côté des tas de carottes, des camions surchargés en attente, des grands sacs de feuilles de coca séchées ou de maïs, des TV hurlantes des vendeurs de DVD piratés, et des bidons d’huile géants.

Dans les villages jalq’a, perchés sur le flanc opposé de Sucre, rien de tout cela. Là, le calme règne et les derniers tisserands se cachent. Mais les marcheurs s’y enfoncent volontiers pour dévaler un vieil escalier inca et la vallée qui s’ensuit, taillée dans une roche mauve.

Potosí, la plus haute ville du monde

Potosí, la plus haute ville du monde
Potosi © pyty - Fotolia

Il ne faut plus que 3 h, par la nouvelle route, pour rejoindre Potosí depuis Sucre. L’itinéraire, à faire de jour, a le bon goût de traverser des pans d’altiplano où batifolent alpagas et vigognes. Il faut bien cela pour détourner l’attention de l’altimètre qui s’affole. Potosí partage avec El Alto (dominant La Paz) le titre de plus haute ville du monde : 4 090 m ! À peine descendu du bus, le souffle se fait court et le pas lourd…

Mais pourquoi avoir fondé une ville ici, sur les pentes de ces mornes cerros (collines) dénudés ? Pour le lucre, naturellement. Déjà exploitées à l’époque précolombienne, les mines d’argent et d’étain de Potosí ont vu leur production exploser à la fin du XVIe s : chaque année, 240 tonnes de métal précieux y étaient extraites par une main-d’œuvre indienne et noire soumise au travail forcé ou à l’esclavage pur et simple. Le faible pourcentage de richesses demeuré sur place suffit à voir la ville champignonner : vers 1650, elle égalait Paris en population !

Autour de la fière Casa de la Moneda, où étaient frappées les pièces, les rues pavées de guingois se sont couvertes d’églises, chefs-d’œuvre aux façades finement ciselées. À la Compañía de Jesús, coiffée d’une haute tour-observatoire dominant la ville, à San Bernardo, à San Francisco, elles se couvrent de pampres pleins de vigueur. À San Lorenzo, typique du style baroque métisse, les sculpteurs indiens ont représenté des joueurs de charango (petite guitare) ; à San Agustín, c’est le soleil et la lune, volés aux mythes précolombiens, qui ornent la pierre volcanique.

Dans l’enfer des mines

Dans l’enfer des mines
© SDuggan - Fotolia

Dans les rues en pente, bien d’autres demeures, griffées de balcons en bois et de bow-windows, témoignent de l’opulence passée. Beaucoup de trésors se cachent aussi derrière les hauts murs de La Moneda (belle pinacothèque) et du couvent de Santa Teresa, où seules 6 carmélites vivent encore, entre tableaux de l’école potosina relevés de touches d’or, vitrines remplies de travaux d’aiguille et disciplines pour l’auto-flagellation…

Au Cerro Potosí, inutile de chercher la souffrance : elle s’impose d’elle-même. Les mineurs y plongent souvent dès 10-12 ans, déblayant et roulant d’abord les charriots remplis de minerai, avant de se mettre à percer les galeries – par 35 °C, dans une humidité et une poussière accablantes. Cette vie de labeur, au sein de petites coopératives familiales, n’est pas trop mal rémunérée au regard des critères boliviens. Mais elle a son prix : la plupart de ceux qui restent meurent de silicose vers 40-45 ans.

Délaissant la pelle et la pioche, certains ont trouvé une alternative : ils accompagnent aujourd’hui les touristes dans ces trous à rats pour voir s’échiner leurs anciens compagnons…  La descente aux enfers (2-3 h) n’est pas bien chère (10-20/personne), même en incluant les petits cadeaux rituels faits aux intéressés : rasade de gnole ou cigarettes pour l’offrande au Tío, le diabolique gardien de la mine, feuilles de coca pour combattre la fatigue, bâtons de dynamite (!) ou médicaments. Reste à savoir si tout cela est très moral, même au prix de quelques salissures et courbatures.

Fiche pratique

Pour préparer votre séjour, consultez notre guide en ligne Bolivie.

Comment y aller ?

Impossible de rejoindre directement la Bolivie par avion. Les vols transitent au choix à Madrid, à Lima ou aux États-Unis (enquiquinant), souvent avec de substantielles attentes.

Pour visiter les villes baroques, le plus efficace serait plutôt de rejoindre Santa Cruz par Air Europa puis, de là, Sucre ou Potosi. Sinon, une fois dans le pays, l’avion, pas trop cher, permet de gagner beaucoup de temps. Le bus dessert les quatre coins de la Bolivie, même s’il n’est pas réputé pour sa très grande sécurité…

Pendant la saison des pluies, circuler devient difficile. Les liaisons sont néanmoins nombreuses entre les grandes villes et les tarifs bas, voire très bas selon la classe de confort que vous choisirez (siège simple, incliné ou semi-incliné).

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Quand y aller ?

Même s’il fait froid sur l’Altiplano durant l’hiver austral (juin-septembre), c’est la saison la plus agréable pour découvrir la région en raison du soleil toujours au rendez-vous et des belles lumières dorées. Il suffit de venir bien couvert (0 °C la nuit à 20 °C en journée environ).

La saison des pluies dure de novembre à mars ; il ne fait alors guère plus chaud sur l’Altiplano mais, dans les terres basses, la touffeur et l’humidité règnent.

Où dormir ?

Les petits budgets seront ravis : on trouve à se loger pour trois fois rien en Bolivie ! Dans les alojamientos et autres hospedajes, en basse saison ou dans les régions moins touristiques, il n’est pas rare de trouver un lit pour moins de 5 €  et une chambre double pour 10 €, voire moins. En haute saison, notamment à Potosi, rajoutez 50-100 %. Bien sûr, à ce prix, les murs pèlent fréquemment, la lumière est glauque et la douche partagée…

Les hostales offrent en général un meilleur confort, souvent avec une salle de bains privée (eau tiède à chaude selon les endroits, avec quelques défauts de chauffe-eau récurrents dans tout le pays, y compris là où il fait froid). Pour avoir le chauffage, il vous faudra privilégier les hôtels chic !

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Où manger ?

Bon, soyons honnêtes…  Ce n’est pas le point fort de la Bolivie ! La pomme de terre (les pommes de terre devrait-on dire) et le maïs sont incontournables, accompagnés de frites, de riz, de quinoa, d’œufs, de poulet frit, de viande (bœuf, lama ou alpaga surtout). Les soupes figurent dans presque tous les menus bon marché proposés le midi (env 2,50-4€). Les plats ont pour eux d’être particulièrement roboratifs ; ils pourraient souvent nourrir deux personnes au lieu d’une !

Parmi les en-cas bon marché, citons les classiques anticuchos (brochettes de cœur de bœuf), chicharrones (couenne de porc frite) et salteñas (des chaussons fourrés à la viande ou aux légumes, bons et brûlants). On trouve des jus de fruits frais sur tous les marchés (mieux vaut s’assurer de la propreté du stand).

Liens utiles

boliviaentusmanos.com : portail regroupant news, infos touristiques et adresses utiles.

bolivianthoughts.com : site anglophone présentant un ensemble de points de vue sur la Bolivie, sa société, sa culture et sa politique.

bolivia.com : l’actualité (en espagnol) vue de Bolivie.

Texte : Claude Hervé-Bazin

Mise en ligne :

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