Casablanca la méconnue
Le vieux centre, laboratoire d’architecture
Pour arpenter les ruelles du vieux centre, trésor architectural sous-estimé devenu aujourd’hui quartier des affaires et de la presse, rien ne vaut quelques heures de visite avec Casa Mémoire. Depuis 1994, sans aide publique, cette association se bat pour classer et promouvoir le patrimoine de la ville, qui fut au milieu du XXe siècle le théâtre d’une frénésie moderniste impulsée par le maréchal Lyautey. « C’était presque l’Amérique ! », s’exclame Jacqueline Aluchon, cofondatrice de Casa Mémoire, la voix cassée à force de s’élever au-dessus des klaxons.
De l'église du Sacré-Cœur au marché central, entre ruelles, passages, halls et boulevards, les architectes et urbanistes bénévoles de Casa Mémoire décryptent le Casa des années 1920 à 1950. Un laboratoire architectural d’avant-garde construit autour des centres de pouvoir – Grande Poste, tribunal, préfecture – où s’est exercé le savoir-faire de Prost, Ecochard, Perret ou Candilis, dans un esprit de pragmatisme et d’hygiénisme. Azulejos néo-mauresques, figures géométriques Art déco ponctuées de zellige et tentations néo-classiques se côtoient dans un audacieux éclectisme.
Parmi les perles rares du quartier, un immeuble de Marius Boyer ouvert sur l’intérieur, aux airs new-yorkais. Bien qu’horriblement noircis, certains buildings en béton armé témoignent de structures impeccables, sans fissures. Mais le centre affiche de douloureuses pertes : ainsi l’immense cinéma Vox, détruit pour que soit ouverte une place de France qui sépare définitivement la médina de la nouvelle ville. L’hôtel Hyatt, dénué de caractère, renvoie un piètre reflet au magnifique Exelsior, premier grand hôtel construit en 1918 pour remédier aux problèmes de logement dans l’eldorado casablancais.
Texte : Cerise Maréchaud
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