Flandres : au pays des estaminets
Carrefours de vie et de rencontre
La nuit tombe tôt sur la rue principale du petit village de Godewaeschwelde.
Fin d’après-midi d’hiver, ciel lourd, pluvieux. Le Café du Centre brille comme
un phare. Ancien estaminet-boucherie, il a été repris par un couple chaleureux.
Il y a encore les vieux frigos aux poignées chromées. Des crochets à viande,
au plafond, pendent des bouquets de houblon.
Il y en avait pour tout le monde, de ces lieux de vie mixtes, carrefour où l’on
venait se réchauffer le corps et le cœur : estaminet-coiffeur, estaminet-barbier,
épicerie ou marchand de tabac. On profitait en faisant ses courses pour y boire
un coup. Ou l’inverse. Ou les deux.
« On peut manger ? Y’a de la truite », répond la patronne
attablée avec sa famille.
On rapproche une table, on apporte des couverts, on partage le repas. L’hospitalité
n’est pas un vain mot.
Dehors, trois jeunes gaillards grimés en rois mages chantent en flamand un cantique
de Noël. Ils font la tournée des villages, annoncent la Bonne Nouvelle, recueillent
quelques pièces dont ils reversent la plus grande partie au Secours Populaire.
« On a toujours fait ça au moment des fêtes, explique César, un
Melchior débonnaire. On va chanter pour les vieux, on leur fait écouter des
airs qu’ils n’ont pas entendus depuis l’enfance. Y’en a qui se mettent à pleurer. »
Dans les Flandres, on se nourrit de la petite histoire et on cultive la
mémoire à l’échelle humaine.
Texte : Laurent Boscq
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