Le musée Granet à Aix-en-Provence : un écrin rénové pour Cézanne

Granet dans ses nouveaux murs

Auguste-Henri Pontier aurait dû se méfier du jugement de la postérité. Ce sculpteur aixois, dont peu de monde se souvient, prit les rênes en 1892 du musée Granet, vénérable institution de la bonne ville d’Aix. Il jurait alors que, de son vivant, aucune œuvre d’un certain peintre, à l’époque totalement incompris, n’entrerait au musée. Cet artiste, qui avait appris le dessin dans ce même musée Granet, se nommait Paul Cézanne. La bourgeoisie aixoise, peu réputée pour son ouverture d’esprit, l’avait affublé du sobriquet de « fada ».

Aujourd'hui, un siècle après la mort de Cézanne, le 23 octobre 1906, le musée Granet lui rend hommage en grande pompe, avec la première exposition majeure consacrée à son œuvre en Provence. Aix aura donc attendu un siècle. Et, comble de l’ironie, le musée qui refusa Cézanne de son vivant a été rénové de fond en comble et rouvre au public pour l’occasion.
Après cinq ans de travaux, l’institution aixoise, fondée en 1838, connaît une véritable renaissance. Elle en avait bien besoin, car ses locaux étaient vieillots. Le musée Granet, toujours installé dans un élégant bâtiment du XVIIe siècle de la place Saint-Jean-de-Malte, fait son entrée dans la cour des grands musées régionaux. Une fois poussée la porte d’entrée, c’est une révolution qui attend le visiteur.
Les surfaces d’exposition, lumineuses et spacieuses, sont passées de 900 à 4 500 m2, en s’étendant dans l’ancienne école des beaux-arts toute proche. La vieille institution s’est dotée de locaux administratifs, pédagogiques, documentaires, d’une cafétéria et d’une librairie-boutique, autour d’un charmant patio. Au détour d’un couloir, une baie vitrée donne sur les jardins de Saint-Jean de Malte. Les équipements de sécurité et le système de réservation informatique sont, paraît-il, à la pointe du progrès.
Mais c’est surtout l’élégance de ce nouveau musée Granet qui étonne. Les nouveaux locaux flambant neufs s’intègrent parfaitement à l’architecture du quartier Mazarin, le plus beau d’Aix. Une performance que l’on doit à l’architecte Pierre Brotons et au scénographe Jean-François Bodin.

2006 : la Provence sous le soleil de Cézanne

Un bonheur n’arrivant jamais seul, les Aixois vont pouvoir découvrir leur nouveau musée avec l’une des expositions les plus excitantes du moment : Cézanne en Provence, clou des festivités consacrées au centenaire du peintre. Après avoir attiré les foules à Washington, cette expo événement va sans doute faire de même dans la ville natale du peintre, où elle est présentée du 9 juin au 17 septembre. Aix-en-Provence, petite sous-préfecture de 150 000 habitants, s’attend à plus de 300 000 visiteurs cet été. Il va y avoir du monde dans les ruelles de la vieille ville !
Composée de 85 toiles et 32 aquarelles et dessins venus du monde entier, Cézanne en Provence célèbre le lien fécond et passionnel entre le peintre et sa terre natale, cette Provence qu’il transfigura par la peinture dans sa quête d’absolu. Les paysages familiers de Cézanne sont, bien sûr, bien représentés : le Jas de Bouffan, l’Estaque, Gardanne, les carrières de Bibémus, ainsi que la majestueuse Sainte-Victoire qu’il peignit avec acharnement jusqu’à sa mort, 80 fois en tout. Le parcours de l’exposition s’intéresse aussi aux grands motifs de l’œuvre, comme les baigneuses, les portraits et les natures mortes.
Un petit conseil : si vous voulez découvrir le nouveau musée Granet avant qu’il soit pris d’assaut, vous pouvez d’ores et déjà vous y rendre et visiter, en avant-première, un parcours d’initiation multimédia à l’univers du peintre : Cézanne, voir autrement. Vous pourrez ainsi admirer une partie des nouveaux équipements du musée, avant les manifestations estivales consacrées à Cézanne. Et il y en a beaucoup...
Est-ce parce qu’Aix a attendu cent ans avant de célébrer le génial enfant du pays ? L’hommage à Cézanne a vraiment tout d’une avalanche : parcours à travers la ville, visite guidées des lieux de la région fréquentés par le peintre, hommages d’artistes contemporains, concert de la Philharmonie de Berlin au pied de la Sainte-Victoire, son et lumières à la cathédrale d’images des Baux de Provence… Il y a de quoi frôler l’overdose ! Rien n’est trop excessif, sans doute, pour un peintre dont la dernière peinture s’est enlevée aux enchères pour la bagatelle de 50 millions d’euros…

Cézanne et après ?

Mais revenons au musée Granet, qui survivra bien à Cézanne 2006. Ses collections sont très riches, puisqu’elles portent à la fois sur le patrimoine du Pays d’Aix (notamment l’Antiquité et le XVIIIe siècle) et sur la peinture européenne du XVe au XXe siècle. Une partie d’entre elles, notamment les sculptures, ont été restaurées.
L’institution aixoise peut ainsi s’enorgueillir de posséder, outre huit Cézanne, quelque deux mille tableaux des écoles française, italienne, flamande et hollandaise, parmi lesquels des œuvres d’Ingres, Van Loo et Rembrandt. L’archéologie fait également partie du fonds du musée, avec la collection d’Entremont qui témoigne de la Provence sous l’Antiquité. Enfin, dernier enrichissement en date, le musée a reçu, en 2000, 71 pièces issues d’une donation anonyme réunissant Chardin, Guardi, Picasso, Mondrian, Klee, de Staël ou Giacometti.
Tous les trésors de la collection permanente seront visibles après l’exposition Cézanne en Provence. Aucune date n’est encore annoncée, mais il est vraisemblable que l’ensemble des œuvres, dont celles actuellement en restauration, seront présentées en 2007. À ce moment-là, le musée Granet aura achevé sa mue, digéré les festivités Cézanne, trouvé enfin sa configuration définitive. Autant dire une nouvelle vie.

P’tites adresses

Où dormir ?
Hôtel Cardinal : 24, rue Cardinale. Tél. : 04-42-38-32-30. Près du musée Granet, un hôtel d’atmosphère au calme et au décor rétro. Accueil sympa.

Où manger ?
Le Zinc d’Hugo : 22, rue Lieutaud. Tél. : 04-42-27-69-69. Fermé dimanche et lundi. Salle de poche, carte courte, décor minimal pour une bonne table. Cochonnailles, plats bistrotiers et sélection de vins pointue.

Où boire un verre ?
Les Deux Garçons : 53, cours Mirabeau. Tél. : 04-42-26-00-51. Une autre institution aixoise, plus connue sous le nom des 2G. Magnifique décor XVIIIe siècle, tout d’ivoire et d’or. Zola, Cocteau, Mistinguett et Louis Jouvet fréquentèrent l’endroit. Belle terrasse.